T ROIS femmes, trois générations de femmes, dans l'isolement d'une pauvre ferme « loin de tout et au milieu de nulle part », ainsi que le reprend l'auteur. Une maison battue de poussière et de chaleur, une maison où l'on attend la pluie comme une délivrance. Mais la pluie viendra trop tard. Elle est là, pourtant, cette eau qui lave et accable, en une scène liminaire au cours de laquelle se noue cette atroce histoire. Elle tombe à seaux sur une femme en train d'accoucher.
Vingt-cinq ans ont passé. Rita (Catherine Ferran) règne en tyran sur la maison et traite avec brutalité sa fille Kat (Julie Pilod) et la vieille mère du père de Kat, celle que l'on n'appelle que Mémé (Catherine Samie). Enfermement étouffant de trois femmes, livrées à elle-mêmes et que domine le malheur de Rita, qui oublie dans l'alcool sa déchéance et fait subir toutes les humiliations possibles à Mémé et à Kat. C'est sordide, terriblement sordide. Bientôt, le congélateur ne pourra plus fonctionner, il faudrait aller en ville, mais Rita fait tout pour retenir sa fille...
Quand surgit, quand revient Dan (Bruno Raffaelli), l'homme, le mari de Rita, celui qui il y a si longtemps l'abandonna. Il découvre sa fille, retrouve sa mère et cette misère épouvantable, physique, morale, sexuelle. Il comprend comment Rita détruit jusqu'aux rêves de sa fille. L'histoire ne peut finir que dans le sang. Le sang du mâle, bien sûr.
Beaucoup de pathos, on le comprend. Beaucoup de pathos dilaté par la direction d'acteurs et la mise en scène. Les acteurs aiment ces personnages excessifs mais s'ils ne sont pas strictement tenus et si l'on se complaît trop dans la déréliction, on bascule dans le mélodrame. C'est un peu le penchant de cette production - il arrive au public d'éclater de rire -, sauvée par une interprétation puissante. Catherine Ferran, perdue et destructrice, Catherine Samie, touchante et légère dans la gravité même, Bruno Raffaelli touchant jusque dans la lâcheté du personnage, Julie Pilod, qui parvient à laisser affleurer toutes les contradictions de cette vieille jeune fille perdue de Kat : l'innocence, le courage, la fascination pour la perte, la sexualité inaccomplie, la peur, l'audace. Un très beau personnage pour une jeune très belle actrice.
Au Vieux-Colombier, du mercredi au samedi à 20 , dimanche en matinée à 16 h, le mardi à 19 h. Durée : 2 h 10 sans entracte (01.44.39.87.00 ou 01). La pièce de Karin Mainwaring, dans la traduction de Jean-Pierre Richard, est publiée par Lansman (69 F).
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