LE MONDE LIBÉRAL DE LA SANTÉ est en «alerte maximale» sur le montant et la répartition de l’Ondam 2007 (1).
A l’heure des arbitrages sur les budgets de chaque secteur de soins l’an prochain (ville, hôpital, clinique, médico-social) dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss), le Cnps, qui réunit 28 organisations représentatives des professions de santé libérales (médecins, dentistes, infirmières, kinés, pharmaciens, orthophonistes, etc.), durcit le ton à quelques mois de l’élection présidentielle.
«Très préoccupé par les rumeurs» d’un taux 2007 draconien pour la ville (moins de 1 % d’augmentation par rapport à 2006), redoutant une iniquité de traitement entre l’exercice libéral et l’hôpital , le Cnps, pourtant peu enclin à investir le terrain politique, met en garde le gouvernement sur les conséquences de ses décisions. «Le Cnps n’acceptera pas que le secteur des soins ambulatoires soit la variable d’ajustement comptable du système, explique-t-il après réunion de son conseil d’administration. Par le choix qu’ils feront dans la répartition de l’Ondam entre l’hôpital et les soins ambulatoires, le gouvernement et le Parlement indiqueront très clairement la direction politique qu’ils entendent prendre.» Exigeant une «équité minimale» entre les secteurs libéral et hospitalier, le Cnps «alertera l’opinion publique» sur les dangers d’une remise en cause des soins de proximité si ses craintes d’un Ondam ville en « peau de chagrin » se confirment . Et il se réserve le droit d’«entrer dans le débat politique», y compris en s’adressant aux députés.
Après la biologie et les cliniques, à qui le tour ?
Selon l’analyse partagée des professions libérales, et même si les pouvoirs publics s’en défendent, les ingrédients sont réunis pour permettre l’application d’une maîtrise dite comptable : un impératif national de réduction de la dette publique ; un comité d’alerte sur les dépenses maladie qui se réunit régulièrement ; un objectif «irréaliste» pour le secteur libéral ; des outils à la disposition de la Cnam pour baisser en urgence les tarifs.
En juillet dernier, les médecins biologistes ont expérimenté à leurs dépens, rappellent-ils, une régulation financière de leurs dépenses. Ce qui accréditerait la menace pour demain, a fortiori après les élections. «Les mesures de nomenclature appliquées sur certains actes de biologie aboutissent à une baisse de 3,5% du chiffre d’affaires, explique le Dr Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes (Snmb) et vice-président du Cnps. Désormais, personne n’est à l’abri de modifications soudaines de tarifs.»
La Cnam avait justifié son plan d’économies (96 millions d’euros) par l’augmentation de 63 % des honoraires des laboratoires de biologie entre 1994 et 2004, et par les recommandations des rapports de la Cour des comptes et de l’Igas en faveur d’une baisse des tarifs dans cette spécialité. Le processus pourrait se reproduire ailleurs. «La caisse n’a pas le temps d’attendre les résultats de la maîtrise médicalisée, ajoute le Dr Cohen. Ils sont extrêmement pressés...»
Un autre exemple de cette méthode de gestion au coup par coup serait le plan de «redressement des comptes» de l’assurance-maladie de 350 millions d’euros annoncé au début de septembre par Xavier Bertrand et visant notamment les cliniques (baisse de tarifs sur trois mois) et le médicament.
Président du Cnps et du Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Dinorino Cabrera précise que si l’Ondam fixé pour la ville se révèle «intenable», la menace comptable surgira «automatiquement quel que soit le gouvernement». «On refera le coup du comité d’alerte et les mesures de diminution des tarifs seront légitimées», analyse le Dr Cabrera. Pour lui, le risque existe d’évoluer vers «une politique de revenus» des libéraux de santé pilotée par la caisse au gré de la courbe des dépenses. Un Ondam serré signifiera des marges de négociation «très faibles», incompatibles avec les attentes de la profession,ajoute Elisabeth Biais-Canhoyea, présidente de la Fédération nationale des infirmières (FNI).
Cette dérive serait d’autant plus inacceptable que l’hôpital bénéficierait d’un traitement plus favorable, comme l’affirment du moins les membres du Cnps. «C’est deux poids deux mesures, et ce n’est pas la première fois, accuse Jean-Jacques Magnies (Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs-Snmkr), vice-président du Cnps. Le gouvernement et le Parlement doivent dire clairement s’ils ont décidé de favoriser l’hôpital et d’étrangler les soins ambulatoires.» .
A l’appui de sa demande de moyens pour les libéraux, le Cnps rappelle les nombreux reports de charges de l’hôpital vers les soins ambulatoires «notamment dus à la réduction constante des durées d’hospitalisation, aux alternatives à l’hospitalisation et à la sortie de produits de santé très coûteux de la réserve hospitalière».
Selon un responsable du Cnps, le «bras de fer» est engagé. Une nouvelle réunion du Cnps est prévue au début d’octobre pour examiner la situation. D’ici là, le ministre de la Santé aura annoncé les grandes lignes du Plfss et précisé ses priorités pour 2007.
(1) Objectif national de dépenses d’assurance-maladie.
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