Idées
Une thèse simple : Israël est le seul Etat dont critiquer le gouvernement est assimilé à un racisme : « Permettez-vous d'émettre des doutes sur la politique d'Ariel Sharon et vous serez immédiatement traité d'antisémite par certains de ses partisans. »
« Certains »... et cette affirmation est étayée par des citations des plus ultras du judaïsme et par les actes de groupuscules juifs comme le Bétar, d'ailleurs déconsidérés au sein même du milieu. De manière plus précise, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a pris les juifs en otages en prétendant les représenter, ce qui est loin d'être le cas. Par ailleurs, des intellectuels relayent grâce à leur prestige cette assimilation antisionisme = antisémitisme. Sont ici nommés et souvent cités Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Alexandre Adler, Jacques Tarnero.
De façon obsessionnelle, le livre de Boniface est tout entier conçu sur le principe anglais du « Tit for Tat ». Du genre : bien sûr, il y a bien des actes antisémites, mais la communauté maghrébine en France souffre plus, ce qui éloigne du vrai sujet. De fait, l'auteur a construit ce que Nietzsche nomme une « fiction », c'est-à-dire une idée que l'on peut à profit instrumentaliser : on s'invente des ennemis intransigeants pour mieux dire qu'ils nous persécutent. Qu'une certaine fraction du judaïsme crie à tout bout de champ à l'antisémitisme et évoque de manière indécente le spectre de la Shoah, on n'en disconvient pas, mais c'est aussi ridicule que si on ramenait les positions de la chrétienté à Mgr Lefèvre. Essayons de remettre un peu à plat le sujet.
En théorie, il est bien évident qu'on peut être antisioniste sans être antisémite*, d'autant plus que c'est le cas de beaucoup de juifs de gauche (qui parfois en rajoutent dans « l'autre sens »). Encore faut-il qu'il n'y ait pas concrètement beaucoup d'exemples montrant que ces notions se mêlent avec complaisance.
Lorsque la conférence de Durban assimile le sionisme au racisme, dans une relative indifférence, lorsque fleurit l'insistance hystérique à nazifier Israël dans les textes et les symboles, ces deux notions ne sont plus séparées. Que dire des propos du pitre médiatique José Bové voyant la main du Mossad sous les attentats contre des synagogues ?
Quant aux exactions très nombreuses venant d'éléments d'origine maghrébine s'identifiant aux Palestiniens, et que la presse nomme hypocritement « jeunes de banlieue », elles devraient soulever beaucoup plus d'indignation. Dans son livre, « Collège de France »**, Marat Goyet témoigne de la représentation dans un collège d'une pièce de théâtre sur la déportation, chahutée et interrompue par d'ignobles injures. Mais Pascal Boniface se livre à un travail de dénégation en affirmant que les brûleurs de synagogues « sont généralement des délinquants multirécidivistes ». Le groupe islamiste pakistanais qui a supplicié le journaliste américain Daniel Pearl ne s'y est pas trompé, lui demandant de proclamer son judaïsme avant de le tuer.
On pourrait dire que, dès la question posée, le livre s'autodétruit. En effet, Israël est critiqué des milliers de fois chaque mois dans des articles, éditoriaux, revues, etc. Du point de vue du débat, ce n'est que justice. A moins que « permis » ne signifie « possible sans courir un risque physique ». A la page 35, Pascal Boniface écrit : « Quand on connaît les mesures de rétorsion qui s'abattent sur ceux qui ont osé critiquer Israël... »
Ici, l'auteur en dit trop ou pas assez, s'agit-il d'une insinuation perfide comme on en trouve à l'extrême droite ? Le « lobby juif » (expression d'ailleurs employée par lui qui est socialiste) « tient-il » l'édition parisienne ? Ou, plus grave, s'agit-il d'atteintes à la personne ?
On pourrait le croire, car l'auteur explique qu'une « fatwa » a été lancée contre lui par des journalistes juifs à la suite de certains de ses écrits. C'est donc sous le manteau que ce livre a été édité, et c'est bien miracle qu'on l'ait laissé venir jusqu'à nous.
Robert Laffont, 238 p., 19 euros.
* Ce terme conçu en 1837 par l'Allemand Wilhelm Marr était censé déjà être un euphémistique rideau de fumée. Ne vaudrait-il pas mieux dire carrément antijuif ?
** Fayard, 2003.
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