« IL FAUT encore faire des recherches supplémentaires, mais il est possible qu'un agent contenant ces ingrédients aide, dans une certaine mesure, à protéger les individus qui ont développé, à la suite du tabagisme, des lésions précoces du poumon », observe dans un communiqué le Dr Fung-lung Chung, professeur de cancérologie au Lombardi Cancer Center à l'université médicale de Georgetown (Washington, DC). « En tout cas, nous savons qu'il est bon de manger des légumes et certaines études ont montré qu'ils contribuent à abaisser le risque de cancer. » Les derniers travaux de Chung et son équipe sont publiés dans la revue « Cancer Research », un journal de l'American Association for Cancer Research.
Si le risque de cancer du poumon chez les ex-fumeurs baisse progressivement au fil des années, il reste élevé en comparaison des personnes qui n'ont jamais fumé. Il importe donc de développer des approches pour prévenir le cancer du poumon dans cette population à risque, notamment des approches qui ciblent la progression des lésions prénéoplasiques vers des tumeurs malignes du poumon.
Les isothiocyanates émergent depuis peu comme des agents chimiopréventifs potentiels contre certains cancers.
Apportés par la consommation des légumes crucifères (brocoli, chou-fleur et cresson...), les isothiocyanates ont une action anticancérogène démontrée dans des cultures cellulaires et des études animales.
De plus, des études épidémiologiques, conduites au cours de ces dernières années, ont montré que l'apport élevé des isothiocyanates par les légumes crucifères est associé à une baisse du risque de cancer, notamment du poumon, du sein et du côlon.
Dans une précédente étude, le Dr Chung et son équipe avaient montré que les isothiocyanates des légumes crucifères sont capables d'inhiber chez la souris la formation d'adénomes pulmonaires qui fait suite à l'exposition à des carcinogènes du tabac, même lorsque ces composés sont administrés après l'exposition toxique (stade postinitiation). L'activité antitumorale de ces composés est liée à l'inhibition du cycle cellulaire et l'induction de l'apoptose (mort cellulaire programmée).
Il restait à savoir si les isothiocyanates sont également efficaces pour bloquer la progression des tumeurs bénignes du poumon (adénomes) en tumeurs malignes (adénocarcinomes).
La nouvelle étude de Chung et coll. a examiné cette question chez la souris. Les chercheurs ont utilisé la souris A/J, un excellent modèle pour évaluer les agents chimiopréventifs sur la progression des tumeurs pulmonaires. En effet, ces souris développent des adénomes pulmonaires entre seize et dis-neuf semaines après administration orale de carcinogènes du tabac, et des adénocarcinomes surviennent généralement au bout de vingt-huit à trente-six semaines.
Les souris ont été traitées par deux carcinogènes du tabac (pendant huit semaines) ; puis vingt et une semaines après le début de l'exposition à ces carcinogènes, alors que les adénomes étaient déjà développés, les souris ont reçu une alimentation enrichie en isothiocyanates (de la vingt-et-unième à la quarante-deuxième semaine). Les souris ont été divisées en plusieurs groupes selon le type d'isothiocyanates évalué (phénéthyl isothiocyanate, phénéthyl isothiocyanate-N-acétylcystéine, sulforaphane, et sulforaphane- N-acétylcystéine) et la dose utilisée (faible ou élevée).
Des isothiocyanates dans l'alimentation.
Les résultats montrent que les quatre isothiocyanates administrés à dose élevée dans l'alimentation, une fois les adénomes pulmonaires déjà présents, peuvent inhiber la progression des adénomes vers l'adénocarcinome pulmonaire. Ainsi, tandis que l'incidence des adénocarcinomes pulmonaires est de 48 % dans le groupe non traité par isothiocyanates, cette incidence est abaissée entre 19 et 11 % dans les groupes traités par dose élevée d'isothiocyanates.
A la lumière de cette étude et d'une précédente étude de la même équipe, réalisée sur des cellules humaines, les effets inhibiteurs de ces composés semblent associés à une combinaison de réduction de la prolifération cellulaire et d'induction d'apoptose.
Pour les chercheurs, « ces résultats plaident en faveur du potentiel chimiopréventif, et peut-être thérapeutique, de ces agents dans le traitement du cancer du poumon chez l'homme. Ce modèle animal nous donnera les données pour l'utilisation potentielle de ces agents dans un essai clinique humain », observe le Dr Chung.
« Cancer Research », 15 septembre 2005.
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