Un patient souffrant d’une hernie discale s’est vu proposé et appliqué en 1987 un traitement consistant en une nucléorthèse à l’Hexatrione. Quelques années après ce traitement, le patient a été atteint d’une discarthose et de calcifications épidurales imputées aux injections d’Hexatrione. Le patient a alors recherché la responsabilité du rhumatologue qui avait proposé le traitement et du radiologue qui l’avait appliqué. A titre principal, le patient soutenait que les médecins avaient commis une faute en prescrivant et en administrant ce traitement. En ce sens, il faisait notamment valoir les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, suivant lesquelles en 1987, à l’époque des faits, « cette technique était un traitement non éprouvé, quasi-expérimental et dont l’indication ne figurait pas sur l’autorisation de mise sur le marché de l’Hexatrione » et sur laquelle les spécialistes en cause ne disposaient que de résultats « peu engageants ». A titre subsidiaire, le patient soutenait que les médecins auraient manqué à leur devoir d’information, en ne lui indiquant pas le caractère innovant du traitement proposé.
La Cour d’appel de Paris (27 octobre 2006) a écarté la demande du patient et décidé que la responsabilité des Dr X et Y ne pouvait être engagée, à quelque titre que ce soit. Le pourvoi intenté par le patient est rejeté par la Cour de cassation. La Cour de cassation rappelle que le choix de proposer au patient un traitement innovant doit être justifié et qu’il donne lieu à une information particulière.
Le choix d’un traitement innovant
Le médecin, qui est libre de ses prescriptions, peut parfaitement proposer un traitement innovant au patient, mais ce choix demande à être justifié par des raisons particulières. En l’espèce, la Cour de cassation relève différentes circonstances propres à justifier le choix d’un tel traitement innovant.
La Cour de cassation relève d’une part que les Dr X et Y « ne s’étaient pas livrés à une recherche hasardeuse ou à une expérimentation isolée » mais qu’ils avaient appliqué un « traitement innovant, pratiqué dans les milieux hospitaliers, et dont les effets indésirables n’étaient pas encore connus ». La Cour de cassation relève d’autre part que « le recours à la nucléorthèse avait été décidée comme traitement alternatif, compte tenu de l’absence de traitement chirurgical indiqué et de l’échec du traitement médical classique déjà suivi ». Au vu de ces éléments, la Cour de cassation décide que les médecins n’ont commis aucune faute « eu égard au contexte des connaissances acquises de l’époque ». C’est dire, en d’autres termes, que le traitement prescrit et appliqué au patient pouvait parfaitement se justifier au regard des « données acquises de la science ». Les mêmes éléments conduisent la Cour de cassation à décider que la responsabilité des médecins ne peut être engagée sur le fondement de leur obligation d’information.
L’information sur le traitement innovant
Le médecin doit à son patient une information « loyale, claire et appropriée sur son état, sur les investigations et les soins qu’il lui propose » (art. 35 du Code de déontologie médicale ; voir ég. art L. 1111-1 et suivants du Code de la santé publique). En l’espèce, les médecins devaient indiquer clairement au patient le caractère innovant du traitement proposé, afin de lui permettre d’exprimer un consentement éclairé. Or les médecins n’avaient semble-t-il pas donné cette information au patient (ou en tout cas ils ne pouvaient prouver qu’ils l’avaient donnée ce qui revient au même puisque la jurisprudence décide que la charge de la preuve de l’information pèse sur le médecin : v. Cass. civ. 1re, 25 févr. 1997, Bull. Civ. I, n° 75).
Bien qu’ayant relevé le défaut d’information, qui constitue une faute des praticiens, les juges ont cependant rejeté la demande d’indemnisation du patient, au motif qu’« il n’était pas démontré que, mieux informé, le patient aurait refusé la technique proposée ». Cette solution est pleinement fondée en droit. En effet, la jurisprudence décide que le préjudice résultant du défaut d’information consiste en la perte d’une chance d’éviter le dommage physique, en choisissant un autre traitement ou en renonçant à toute thérapie, de sorte qu’il n’y a aucun préjudice lorsqu’il apparaît que le patient, même dûment informé, aurait néanmoins consenti à l’acte médical (Cour de cassation, 1ère Ch. civile, 7 déc. 2004, Le généraliste n° 2325 du 25 mars 2005). Conforme au droit, cette solution est également conforme au bon sens. Le fait de proposer au patient un traitement innovant n’appelle aucune sanction, dès lors que cette proposition est conforme à l’intérêt du patient.
Christophe LACHIÈZE
Maître de conférences,
Consultant en droit privé
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature