RÉFORMER LES ÉTUDES médicales, développer des systèmes d’information et de la télémédecine, renforcer la coopération interprofessionnelle, favoriser l’éclosion des MSP, repenser la PDS, améliorer la protection sociale, Élisabeth Hubert remet à plat tout le dossier de la médecine de proximité sans verser dans la coercition. Son rapport est à spectre large et donne tort ceux qui pensaient qu’il ne serait qu’une synthèse des précédents travaux sur le sujet.
• Saucissonnage interdit.
Dès le préambule, Élisabeth Hubert prévient : « Ce rapport est un tout. Ne retenir que les mesures les plus immédiates serait dangereux pour l’avenir, mais se focaliser sur les seules dispositions à moyen ou long terme nuirait au sens même de la mission, qui est de garantir durablement et équitablement l’accès à une offre de santé de proximité. » L’ancienne ministre de la Santé place donc assez haut la barre, semblant indiquer que son rapport, tout comme une ordonnance cohérente, ne saurait être découpé en tranches. Elle précise enfin qu’elle a délibérément choisi de ne pas proposer de mesures coercitives, l’incitation n’ayant été qu’insuffisamment explorée.
• Urgence pour la formation.
Au chapitre de la formation, le rapport prône une réforme urgente des études médicales (« le Quotidien » des 22 et 25 novembre). Il propose notamment de sortir de l’hospitalocentrisme actuel du second cycle en présentant aux étudiants « toute la diversité de la pratique médicale » avec des stages d’initiation à la médecine générale, et de multiplier les stages « hors CHU ». L’internat en médecine générale est lui aussi visé, le rapport demandant qu’il soit procédé aux nominations des professeurs prévus par la loi HPST, suggérant de rendre attractif le statut de chef de clinique de médecine générale, ainsi que le recrutement « en nombre suffisant » de maîtres de stage.
• Gros chantier informatique.
Le développement des systèmes d’information et de la télémédecine fait l’objet d’un copieux chapitre. « Sans système d’information performant, prévient Élisabeth Hubert, les regroupements de professionnels sont voués à l’échec. » Selon le rapport, les systèmes d’information hospitaliers (SIH) peinent à se mettre en place, les applications métiers se limitent trop souvent au service qui les a créées, sans possibilité de communiquer entre elles. Côté ville, le constat n’est pas plus tendre, le rapport estimant que seuls 40 à 60 % des médecins disposent de dossiers patients réellement ouverts et communicants, et utilisant une application moderne. Il préconise donc la mise en œuvre d’un plan ambitieux de déploiement, allant du développement d’une messagerie sécurisée et interopérable, en passant par la levée des obstacles juridiques au développement de la télémédecine et à la clarification des conditions de facturation de ses actes. Le tout nécessitant des financements publics, « à l’instar des plans 2007 et 2012 en faveur du secteur hospitalier ».
• Des cloisons à abattre, des regroupements à favoriser.
Au chapitre de la coopération entre professionnels de santé, le rapport pointe du doigt « le fonctionnement très cloisonné » de l’offre de soins française. Il appelle de ses vœux un assouplissement des textes réglementaires actuels qui ne permettent pas d’introduire les évolutions nécessaires. Le rapport souligne que certains domaines de la médecine de proximité pourraient être prioritairement concernés, comme la coopération entre médecins et sages femmes, la délégation aux infirmiers d’une partie de l’éducation thérapeutique, ou la délégation d’actes d’ophtalmologie aux orthoptistes.
Le rapport se prononce ensuite pour « l’émergence d’un autre modèle d’offre de santé », que sont les maisons et pôles de santé pluridisciplinaires. Ce mode d’exercice regroupé « peine à se développer » selon le rapport, à cause notamment d’une trop grande hétérogénéité des initiatives et de la fragilité juridique et économique de ce type de structure. Le rapport préconise donc de s’appuyer sur le récent plan gouvernemental de création de 250 MSP à l’horizon 2013. Mais pour lui donner toutes ses chances, des spécialistes de l’ingénierie de projet doivent être recrutés dans chaque ARS pour accompagner les porteurs de projet. Ces mêmes ARS devront être le guichet unique des aides financières disponibles, de manière à notamment permettre au sein de ces structures l’embauche d’un coordonnateur. De plus, le rapport préconise trois types de statuts juridiques pour ces structures émergentes : le groupement de coopération sanitaire (GCS), la société d’exercice libéral (SEL) ou encore la société coopérative.
• Refonte tarifaire et PDS élargie.
Le chapitre des modes de rémunération fera sûrement débat. Élisabeth Hubert, qui part du constat que le système tarifaire actuel est « obsolète » propose une nouvelle grille de 4 ou 5 tarifications allant d’un demi « C » jusqu’à 60 ou 70 euros pour une consultation longue et difficile. Le rapport suggère également la mise en place d’un forfait pour les prises en charge « lourdes et coordonnées » qui serait attribué non au médecin mais à la structure (MSP ou PSP).
Quant à la PDS, le rapport préconise de prendre exemple sur la Franche-Comté, qui a mis en place un numéro d’appel à 4 chiffres, interconnecté avec le « 15 », pour les appels ne relevant pas de l’urgence vitale. Il propose également d’« élargir le vivier des médecins » aux remplaçants, aux médecins des centres de santé, aux jeunes retraités et aux internes.
Le rapport préconise aussi d’augmenter les indemnités de maternité et d’améliorer de façon générale la couverture sociale des praticiens.
• En attendant les grands travaux…
Élisabeth Hubert suggère des mesures temporaires pour pallier les effets actuels de la désertification médicale. Elle propose en particulier d’inciter les internes en médecine générale à effectuer une année supplémentaire sous la forme d’une mission de service public. Ces missions rémunérées pourraient aussi être ouvertes aux médecins généralistes volontaires ainsi qu’aux médecins remplaçants.
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