L ES Français aiment le chocolat. Soixante pour cent en consomment une fois par semaine et 20 % une fois par jour, pour une consommation annuelle moyenne de 6,8 kg. Aux Entretiens de Bichat, le Dr Jean-Louis Schlienger (service de médecine interne et nutrition, CHU Hautepierre, Strasbourg), s'est penché sur cet aliment qui « fait partie du patrimoine culturel alimentaire, ancré dans un système affectif et relationnel qui se développe pratiquement dès la naissance ».
Paré de nombreuses vertus (euphorisant, antistress, stimulant, aphrodisiaque...), accusé de presqu'autant de maux (obésité, « crise de foie », forme de toxicomanie...), il n'est, démontre le médecin, « ni blanc ni noir ». Tout dépend de l'usage qu'on en fait.
De haute densité énergétique, riche en graisses, le chocolat est généralement interdit aux obèses, dyslipidémiques et diabétiques. Un interdit qui, selon le Dr Schlienger, « se base autant sur des considérations morales que scientifiques ». On n'a pas montré de relation entre surpoids ou obésité et consommation de chocolat et une prise modérée, occasionnelle, peut donc être autorisée aux obèses. De même en ce qui concerne les dyslipidémies. Comparé au beurre laitier, la consommation isocalorique de cacao n'a pas d'effets néfastes sur la cholestérolémie et celle d'une barre de chocolat au lait est même associée à une augmentation du cholestérol-HDL et à une diminution des triglycérides. Et pour les enfants et adolescents atteints de diabète insulinodépendants, l'impact glycémique d'une barre chocolatée n'est pas plus marqué que celui d'une pomme ou de céréales.
Le chocolat reste indésirable dans la goutte (à cause de sa richesse en bases xanthiques), dans la lithiase oxalique (oxalates) et dans l'insuffisance rénale (potassium). Et si des abus peuvent entraîner troubles biliaires et céphalées, il est innocent de la « crise de foie » dont se plaignent encore parfois nos contemporains et il ne joue aucun rôle dans l'acnée.
Effets psychotropes
Ses vertus, pour être souvent surestimées, ne sont pas négligeables et commencent à être étayées par des études scientifiques : l'action stimulante est liée à la présence d'alcaloïdes (théobromine et caféine), l'effet aphrodisiaque aux amines catécholergiques (phényléthylamine ou PEA), l'effet antidépresseur au sasolinol et au PEA, l'euphorie à l'anandamide... Qui dit effets psychosensoriels et psychotropes, dit risque d'addiction, mais il est probable que les grands « chocooliques », s'ils étaient privés de leur drogue, se convertiraient à d'autres compulsions.
Le portrait robot du « chocolatomane », décrit dans une enquête menée auprès de personnes avalant de 100 à 500 g de chocolat par jour, est à cet égard rassurant : « Dépourvu d'anxiété, hyperprofessionnel, il développe un haut degré d'activité physique et psychique mais ne souffre ni d'insomnie, ni d'agitation psychomotrice, ni de prise de poids » et le sevrage n'entraîne qu'une légère anxiété.
Faisant également le bilan des propriétés du chocolat, le nutritionniste Jean-Marie Lecerf (institut Pasteur de Lille) souligne que le plaisir qu'il donne est lié autant sinon plus à ses propriétés organoleptiques (goût, texture, gras-sucré) qu'à ses composants à effet psychotrope. Il cite une expérience dans laquelle des capsules contenant les ingrédients pharmacologiques du chocolat n'ont pas eu plus d'effet que le placebo, seul le vrai chocolat pouvant entraîner une satisfaction.
« Il n'y a que deux dogmes en nutrition : il n'y a pas d'aliment parfait, il n'y a pas de mauvais aliment. Le chocolat répond parfaitement à ces exigences, et en plus il est bon ! », conclut notamment J.-M. Lecerf.
Un rôle dans la prévention des maladies dégénératives
Augustin Scalbert (laboratoire des maladies métaboliques et micronutriments, INRA, Clermont-Ferrand) et Jean-Marie Lecerf (institut Pasteur, Lille) évoquent le rôle des polyphénols, les antioxydants les plus abondants dans les aliments et en particulier le chocolat. Selon des études chez l'animal ou sur cultures cellulaires, les polyphénols jouent un rôle protecteur vis-à-vis de pathologies dégénératives telles que cancers, maladies cardio-vasculaires, ostéoporose ou maladies inflammatoires. Les premiers résultats, intéressants, doivent être confirmés chez l'homme par des études cliniques et épidémiologiques.
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