LES AUTORITÉS FÉDÉRALES n'avaient pas le choix : dans le cas des organismes de prêts immobiliers et notamment de Freddie Mac et de Fannie Mae, créés par le gouvernement fédéral pour financer les emprunts de la classe moyenne, elles avaient une responsabilité particulière. Dans le cas de Lehman Brothers, qui n'a trouvé personne pour lui prêter de l'argent, elles ont donné un coup d'arrêt au refinancement par l'argent des contribuables. Le coup de semonce est sévère, mais il est logique si les États-Unis veulent éviter un appauvrissement généralisé des citoyens américains. La faillite de Lehman Brothers n'est pas une petite affaire : la banque a besoin de 600 milliards de dollars pour se maintenir à flot.
Une irresponsabilité qui confine au crime.
Il existe toutefois d'autres solutions et les marchés ne reprendront leur souffle que lorsque des banques privées finiront par arriver à la rescousse de Lehman Brothers qui, s'étant placée sous le régime des faillites (chapter eleven, une disposition qui permet à une entreprise d'éviter la banqueroute par un moratoire sur ses dettes), peut continuer à travailler et peut-être faire une partie du ménage. On se demande quand même quelle sorte de dirigeants Lehman Brothers a pu avoir qui ont pris des risques sur une somme supérieure au PNB de la plupart des pays du monde. La crise dite des subprimes n'a pas fini de révéler des comportements absurdes aux conséquences incalculables. Aujourd'hui, les défenseurs les plus zélés du libéralisme économique reconnaissent que le monde de la finance «marche sur la tête» et que l'irresponsabilité de ses dirigeants confine au crime.
L'immense majorité des gens, qu'ils soient américains ou non, ne comprend guère le cataclysme qui est en train de se produire et que ne peuvent enrayer les gouvernements les plus riches et les plus puissants. Les sommes évoquées sont tellement élevées qu'elles ne disent rien à un père de famille qui gère son budget mensuel. Disons seulement que la démarche des agents financiers a été aveugle. On a prêté beaucoup d'argent à des familles qui n'étaient pas solvables parce que le marché des foyers solvables était saturé. On a convaincu ces personnes que le loyer de l'argent était si bas qu'elles ne couraient aucun risque. Ce faisant, on a donné un très fort stimulant à l'économie américaine, laquelle, menacée de « surchauffe », a entraîné une hausse des taux d'intérêt fatale aux emprunteurs. Mais fatale aussi aux prêteurs, car leurs clients ne pouvaient pas rembourser. Et les prêteurs savaient si bien que les taux d'intérêt remonteraient qu'ils ont « vendu » leurs prêts à d'autres banques dans le monde pour se couvrir contre le risque. Voilà comment on a abouti à une catastrophe qui ressemble à une pandémie mondiale de resserrement du crédit.
La France est concernée au même titre que les autres pays européens. Tous les jours ou presque, des banques et des compagnies d'assurances françaises annoncent des résultats en baisse ou négatifs à cause des pertes, parfois énormes, que leur ont fait subir les subprimes. Croire que nous sommes à l'abri de cette énorme secousse mondiale est donc illusoire d'autant que, même si une banque n'a pas acheté de subprimes, son activité est ralentie par la prudence à laquelle elle est condamnée et par la suspicion générale que la crise a déclenchée. C'est assez dire que toute action du gouvernement français pour nous épargner les plus graves déboires serait insuffisante. En revanche, une action européenne est la bienvenue. La BCE a débloqué lundi 70 milliards d'euros qu'elle va prêter à toute institution en difficulté.
PERSONNE NE PEUT AFFIRMER QUE NOUS SORTIRONS INDEMNES DE CETTE CRISE
Une crise qui dure.
Bien entendu, c'est un très mauvais moment à passer. Tout dépend de la durée de ce moment. Or il y a treize mois que la crise des subprimes a commencé et, comme on le voit, ses effets sont encore plus graves aujourd'hui qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent : il est par exemple impossible que Lehman Brothers n'ait pas vu depuis plusieurs mois ce qui allait se produire. Les banques les plus compromises ont ajouté à leur folie le secret sur leur mortelle maladie. Les plus saines rachètent les plus exposées : Bank of America a racheté Meryll Lynch, Bear Stearns a été renflouée par un fonds souverain. AIG, une énorme compagnie américaine d'assurances, a un besoin de financement considérable et risque à tout instant de faire replonger les indices boursiers.
En conséquence, non seulement la crise n'est pas finie, mais les pertes sont tellement élevées qu'il n'y a plus assez d'argent aux États-Unis pour les compenser. Les fonds souverains étrangers, qui ont commencé par racheter des institutions en difficulté, ont fini par tourner le dos à ce marché. Car, dans le climat actuel, leur investissement ne paie pas ou se dévalue.
C'est le rôle des gouvernements de tenter de rassurer leurs administrés. On ne reprochera donc pas à la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, son optimisme de façade. Son rôle ne consiste pas à alarmer davantage les Français. Cependant, aucun de nos dirigeants ne peut nous donner la certitude que nous sortirons indemnes de cette crise, individuellement ou collectivement.
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