Arts-Au Louvre, Titien, Tintoret, Véronèse

Le choc des titans

Publié le 08/10/2009
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Crédit photo : NATIONAL GALLERY OF ART, WASHINGTON

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Crédit photo : JOSELYN ART MUSEUM, OMAHA

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Crédit photo : KUNSTHISTORISCHES MUSEUM, VIENNE

DISONS-LE tout de suite : malgré son sujet imposant et la souveraineté des toiles exposées, l’exposition du Louvre n’est ni indigeste, ni explicative, ni complexe. Elle n’a d’autre ambition que de témoigner, grâce à 85 tableaux (pour la plupart des chefs-d’œuvre prêtés par les musées les plus prestigieux du monde), de l’évolution de la peinture vénitienne après 1540, à travers les œuvres des trois maîtres absolus que furent Titien, Tintoret et Véronèse, et de quelques autres jeunes émules, Bassano et Palma le Jeune, par exemple.

Dans une présentation aérée, le parcours à la fois chronologique et thématique dévoile, en les regroupant par similitudes de thèmes, de styles, de compositions, ou par dissemblances, les œuvres les plus grandioses de ce trio talentueux. Titien d’abord, peintre officiel de la République, le génie incontesté, qui « rendait les tableaux comme une seconde nature », selon l’expression de Philippe de Champaigne. Véronèse ensuite, peintre du grand classicisme dans toute sa splendeur, qui exalte la couleur, le luxe et la grandeur. Tintoret enfin, le maniériste audacieux au geste d’une énergie folle.

L’exposition s’ouvre sur les toiles de Titien (lumineux « Danaé »), alors en pleine maturité, mises en relation avec les tableaux de jeunesse de Tintoret (« Autoportrait » expressif et « Saint Augustin guérissant des infirmes » baigné d’une lumière étrange) et de Véronèse (somptueuse harmonie des couleurs dans « Le Christ s’adressant à une femme à genoux »). De salle en salle, les thèmes communs aux trois peintres sont dévoilés : les portraits de hauts dignitaires vénitiens, les effets de reflets, les scènes où se mêlent sacré et profane, les toiles nocturnes, les nus féminins…

Correspondances.

Ici se lit la parenté entre les trois peintres dans les tonalités de lumière mordorée qu’ils répandent sur leurs toiles. Là, on remarque la même utilisation de tel procédé stylistique ou plastique. Plus loin, il apparaît que Tintoret prête des expressions théâtrales à ses personnages tandis que Titien épure et idéalise ses modèles et que Véronèse, plus que n’importe qui, parvient à restituer la douleur et le pathétique d’une scène de Christ mort avec la Vierge. Et l’on se prend à jouer au jeu des différences et des ressemblances, par exemple devant le « Portrait d’une dame avec un mouchoir » de Véronèse, le « Portrait d’une jeune dame » de Tintoret et le « Portrait d’une dame avec un chasse-mouches » de Titien, exposés dans un face-à-face qui provoque ainsi un phénomène fascinant de correspondances.

Les toiles de Titien, Véronèse et Tintoret, qui firent la fierté de la riche République vénitienne, ont ceci de commun qu’elles livrent une passionnante lecture sociale de leur époque. Elles sont dominées par un mélange de naturalisme et de maniérisme, par un sens profond de la matière et du coloris. Chacun de ces trois peintres a néanmoins cherché et trouvé sa propre voie, dans un grand esprit de liberté stimulé par le génie de son voisin.

On ne peut rendre plus fort hommage qu’avec cette remarquable exposition à ces artistes géniaux, premiers grands peintres des temps modernes, sinon les plus grands, les plus universels.

› DAPHNÉ TESSON

Musée du Louvre, tlj, sauf le mardi, de 9 à 18 heures (jusqu’à 20 heures le samedi et 22 heures les mercredi et vendredi), www.louvre.fr, jusqu’au 4 janvier 2010. Catalogue, musée du Louvre/Éditions Hazan, 480 pages, environ 42 euros.

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr