« American Splendor », de Shari Springer Berman et Robert Pulcini

Le choc des cultures

Publié le 07/10/2003

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Connaissez-vous Harvey Pekar ? Probablement pas, sauf si vous aimez les BD underground en général et celles de Robert Crumb (Fritz the Cat) en particulier. D'ailleurs Harvey Pekar n'est pas très intéressant. Il le reconnaît lui-même.

Il est employé dans un hôpital, où il s'occupe des archives, vit dans un appartement très sale depuis que sa deuxième femme l'a quitté. Sa seule passion, les vieux disques de jazz. A un vide-grenier, il rencontre Crumb et lie une vague amitié avec lui. Un jour d'ennui plus fort encore que d'habitude, il se met à écrire des bulles illustrées de dessins simplissimes pour décrire les petits événements de sa vie quotidienne.
Evénements ? Frustrations plutôt. Mais stylisées de façon très drôle. Et quand Crumb accepte de remplacer ses gribouillis par des dessins mettant en scène un homme qui lui ressemble, c'est le début de la gloire. Le premier numéro d'« American Splendor » sort en 1976 et inaugure le genre de la bande dessinée autobiographique.
Fan depuis l'adolescence, c'est le producteur Ted Hope (« Happiness », les premiers films d'Ang Lee, « les Frères McMullen »...) qui a eu envie de transposer à l'écran les BD. En imaginant d'intégrer le vrai Harvey dans le film. Le couple de documentaristes et scénaristes Shari Berman et Robert Pulcini mêlent ainsi avec habileté tous les Harvey, celui de la BD en images animées, le vrai et un Harvey de fiction joué par un excellent acteur, Paul Giamatti.
Quel intérêt de raconter au cinéma la vie sans relief d'Harvey Pekar ? Celui de porter un regard ironique sur l'Amérique ordinaire et son absence de splendeur. En direct de la triste Cleveland, Pekar débarque dans un talk-show célèbre de la chaîne NBC. C'est le choc des cultures. Récompensé au festival du cinéma indépendant de Sundance, « American Splendor » évoque avec subtilité et humour ce décalage.
Harvey Pekar n'est plus documentaliste à l'hôpital des anciens combattants de Cleveland. Il a pris sa retraite en 2001.

R. C.