LA VEILLE, en se promenant dans son jardin, il a eu des démangeaisons au niveau des avant-bras, des chevilles et du cou. Deux heures plus tard apparaissaient des papules et des pustules.
Tout chanteur d'opéra qu'il est, cet homme a, depuis dix-neuf ans, une bronchopathie chronique obstructive pour laquelle il est traité.
Il se plaint d'avoir des difficultés à chanter et raconte que, dix jours auparavant, en se promenant dans son jardin, il a vu des milliers de chenilles se déplacer le long des branches de son vieux chêne. Plus tard, chaque fois qu'il ouvre la fenêtre de sa maison, ou qu'il va dans le jardin, son prurit et sa dyspnée s'aggravent.
L'équipe médicale décide de se rendre chez le patient.
A la queue leu leu vers les feuilles.
Et, dans le tronc du chêne, elle découvre effectivement des milliers de larves de Thaumetopoea processionae, un lépidoptère appelé plus communément chenille processionnaire du chêne. Ces chenilles, comme leur nom l'indique, se déplacent à la queue leu leu, la nuit, depuis leur nid jusqu'au somment de l'arbre, pour y manger les feuilles.
En raison de la précarité de l'état pulmonaire sous-jacent du patient, on le traite par stéroïdes locaux, antihistaminiques par voie systémique, et on augmente ses doses de bêtabloquants. Puis, quelques jours plus tard, on retourne à son domicile afin de collecter des larves à des fins de recherches. Le patient est venu ; il se trouve à huit mètres en arrière. On parvient à faire tomber un nid de l'arbre et on le place dans un conteneur. A ce moment précis, le patient est pris d'une bronchoconstriction, avec dyspnée à début brutal, tachypnée, toux et wheezing. Il doit s'asseoir. Il se sert de ses muscles accessoires pour respirer. On lui administre de la théophylline en I.V. et tous les signes disparaissent en un quart d'heure.
L'idéal serait évidemment d'éviter toute nouvelle exposition. Mais cela est impossible à obtenir, car les poils (setae) et la mue de larves sont disséminés par le vent. Et hors de question d'abattre ce chêne collé à la fenêtre du salon : c'est un arbre protégé.
Les étés suivants, en 2001 et 2002, le patient a de nouveau présenté dermatite et dyspnée. Mais, en 2003, les chenilles ne sont pas revenues.
Les lépidoptères toxiques sont endémiques dans de nombreux pays ; 150 espèces peuvent être dangereuses pour l'homme.
Une protéine libératrice d'histamine.
Les chenilles processionnaires ne développent de poils qu'à leur troisième phase de croissance. Ce qui peut expliquer que le patient n'ait rien éprouvé la première fois qu'il a vu les chenilles.
Les poils contiennent une protéine libératrice d'histamine (thaumetopoéïne) ou des composés apparentés. Les réactions allergiques peuvent être déclenchées par contact direct avec l'arthropode, comme quand les enfants les touchent ou les mangent ; mais, aussi, par les poils transportés par le vent, qui ne sont pas remarqués par les promeneurs. Les poils peuvent provoquer une réaction à corps étranger ou une réaction d'hypersensibilité de type I au niveau de la peau ou des muqueuses. Les réactions cutanées sont banales ; on peut observer aussi des manifestations oculaires, oropharyngées, gastro-intestinales, respiratoires et systémiques, y compris un choc anaphylactique.
Wolfgang Spiegel et coll. « Lancet » du 1er mai 2004, p. 1438.
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