LA CANNE À SUCRE n'existe plus à l'état sauvage. Mais c'est pourtant ainsi qu'elle se présentait il y a plusieurs milliers d'années dans les îles du Pacifique. L'histoire l'amène ensuite en Chine où les habitants l'auraient cultivée puis au Bengale où son sucre était fort apprécié. Il est probable qu'à l'origine les hommes se contentaient de mâcher la canne à sucre. Ce furent les habitant du Bengale qui les premiers apprirent à presser les tiges et à extraire le jus. Ils obtenaient alors une épaisse bouillie dans laquelle, en se refroidissant, se formaient des cristaux. C'est d'ailleurs en Inde que le sucre est baptisé « sarkara » qui signifie grain. Certains auteurs-médecins de l'Antiquité le dénommaient « sel indien ». « Il existe une espèce de miel concret appelé saccharon, que l'on trouve dans les roseaux de l'Inde et de l'Arabie heureuse, qui ressemble au sel par sa consistance et craque sous la dent », décrit Dioscoride, contemporain grec d'Auguste.
Premières raffineries.
Il faut attendre le VIe siècle avant Jésus-Christ, et l'expédition du roi Darius 1er dans les vallées de l'Indus (fleuve pakistanais qui a donné son nom à l'Inde) pour que les Perses découvrent « le roseau qui donne du miel sans le concours abeilles ». Les Arabes installent alors, au fil des caravanes et des conquêtes, la culture de la canne à sucre sur les bords de la Méditerranée orientale. Au début du XIe siècle, des plantations de canne à sucre et des sucreries étaient installées dans tous les pays sous leur contrôle. Bientôt Alexandrie devint le port principal pour le commerce du sucre. Les caravanes de chameaux l'apportaient jusqu'à la côte égyptienne où il était pris en charge par la flotte marchande de Venise. C'est à cette époque que Venise, toute neuve, édifia un entrepôt d'où le sucre était envoyé vers l'Europe centrale avec les soies et les épices.
À vrai dire, ce sucre nous paraîtrait aujourd'hui fort médiocre. D'une couleur brun foncé, mal raffiné, lourd et plein d'impuretés, il avait, selon certains, le petit goût... de la sueur de chameau. Dans les raffineries, on faisait bouillir cette masse brune qui ressemblait à de la mélasse dans de grands bassins de cuivre et, après l'avoir centrifugée, on obtenait un sucre cristallisé beaucoup plus clair et plus pur ; mais le résultat était encore bien loin d'atteindre le degré de filtrage auquel nous sommes habitués.
Puis vinrent les croisades avec l'Orient comme théâtre des opérations. Après de nombreuses conquêtes et déroutes, les Croisés, qui avaient connu le sucre en Syrie (perdue en 1291) et s'étaient repliés dans l'île de Chypre, le ramenèrent en France et le firent connaître.
Symbole de puissance.
Le sucre devint alors l'une des denrées responsables de la puissance économique des grands ports méditerranéens. Mais, quand il parvenait par la route dans le nord de la France, en Angleterre ou dans les pays d'Europe du Nord, il était vendu excessivement cher car son prix, déjà considérable au départ, se trouvait majoré le long de son voyage par les diverses taxes des barrières d'octroi. C'est un peu pour cette raison que la voie maritime passant par l'Atlantique pour atteindre la mer du Nord fera de Bruges la plaque tournante du trafic du sucre et des épices ; elle sera ensuite remplacée par Anvers. Au fil des ans, des études de marché des différents revendeurs et le principe de la concurrence rendirent le sucre un peu plus abordable.
Esclavage sucrier.
Entretemps, la canne était cultivée en Sicile, aux Canaries, à Madère, au Cap vert. Enfin, au XVe siècle, Christophe Colomb l'introduisit en Amérique et tout d'abord à Saint-Domingue. La canne y prolifèra au-delà de toutes les espérances. La rumeur dit même que les bénéfices du sucre servirent à Charles Quint à bâtir les palais royaux de Madrid et de Tolède. Mais le sucre n'inspire pas que douceur car son essor va de pair avec le trafic des esclaves. Le travail lié à la canne, extrêmement pénible et rude, et nécessitait une nombreuse main-d'œuvre. Ce sont les Portugais qui inaugurèrent, au XVe siècle, au Brésil avec l'aide de financiers hollandais, non seulement le commerce négrier, mais également le système esclavagiste lié au sucre. C'est par le biais des commerçants arabes qu'avec les Espagnols ils allèrent acheter sur les marchés nord-africains des esclaves puis organisèrent des rafles en Afrique.
La betterave napoléonienne.
Au XVIIe siècle, les Européens découvrent le thé, le café et le chocolat. Et la consommation de sucre augmente. Au moment du blocus continental lors de la guerre entre Napoléon et les Anglais, l'Empereur ordonna la mise en culture de betteraves afin d'affranchir l'économie française de l'importation coloniale. Elle devait porter un rude coup à la canne à sucre des Antilles, du Brésil et de la Réunion.
Aujourd'hui, on fabrique dans le monde plus de sucre qu'on en consomme. La pénurie du pétrole va peut-être faire entrer le sucre dans le domaine du carburant.
Meyer Jean, « Histoire du sucre », Éd. Desjonqueres, coll. Outremer, mai 1989.
Toussaint-Samat Maguelonne, « la Très Belle et Très Exquise Histoire des gâteaux et des friandises », Éd. Flammarion, 2004.
Réseau France outre-mer : http ://europe.rfo.fr/article83.html
Centre d'études et de documentation du sucre : http ://www.lesucre.com
Le site portail de la fière boulangerie-pâtisserie : http://www.cannelle.com/CULTURE/histoirepat/
Les premiers confiseurs
A la Renaissance, Venise et Madère voient se développer un nouvel artisanat : celui des confiseurs capables de réaliser personnages et fruits en sucre. Les cours royales européennes qui voient dans la pâtisserie sucrée un moyen d'expression de leur puissance s'empressent de recruter de tels artistes.
De nouveaux tours de main donnent naissance aux petits choux, aux meringues au sucre cuit, aux macarons. La « paste » de sucre permet la confection de nombreux biscuits.
De dattes et de miel
«Prends trois mesures de farine de semoule; pétris-la et fais-en des gâteaux.» Telle est, selon la Bible, la demande qu'Abraham, voyant venir au loin trois visiteurs, fait à son épouse Sarah. C'est aussi la première mention du mot gâteau. Il n'y avait probablement ni beurre ni oeufs dans cette pâtisserie mais, selon l'historienne Maguelonne Tousaint-Samat, il est possible que Sarah ait utilisé du sirop de dattes, dont l'utilisation est attestée à la même époque. Comme les petits pains fourrés aux dattes si prisés à la cour de Ramsès II.
Car, bien avant le sucre, les dattes, le miel et les fruits secs agrémentaient les « douceurs ». Ainsi le « taillis », qui fit son apparition au Moyen Âge, tirait sa saveur sucrée des raisons de Corinthe et du miel. Le pain d'épices qui est d'origine chinoise ( mi-kong ou pain de miel) était un pain de froment au miel et cuit au four. Il était considéré comme un aliment et non comme une pâtisserie. Les Européens d'Occident le découvrent au Moyen Âge pendant les croisades auprès des populations arabes. En Europe, il devient une pâtisserie.
Il faut attendre la Renaissance pour voir apparaître en Europe le sucre de canne qui va dans les gâteaux et les confiseries remplacer le miel considéré alors comme un édulcorant de second ordre.
L'essor des pâtisseries
Le siècle des Lumières fut aussi celui de la grande pâtisserie. De grands progrès furent réalisés dans la conception des fours et, après le sucre, le chocolat, entra dans les moeurs. Ce fut l'ère de Menon, cuisinier de Louis XV et de son gâteau au chocolat, le premier célèbre du nom. Puis les crèmes firent leur entrée, de plus en plus nombreuses, aux oeufs, au lait, au beurre et aux parfums variés. Chaque gâteau portant sa petite histoire : la religieuse avec son habit de nonne ; le paris-brest, avec sa forme en roue de vélo et crée en l'honneur de la course cycliste ; le malakoff en l'honneur de Mac-Mahon qui s'empara de la tour éponyme pendant la guerre de Crimée...
La fin du XXe siècle vit arriver les entremets de mousse et de fruits exotiques, l'assemblage chocolat et fruits, avec un peu moins de sucre. Mais notre pâtisserie traditionnelle est encore très présente et renommée dans le monde entier.
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