« Le Baladin du monde occidental », de Synge

Le charme d’un conte

Publié le 17/01/2006
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ON AIME « le Baladin du monde occidental ». C’est une pièce merveilleuse. Synge est un poète. Il porte haut les couleurs de l’Irlande et, en même temps, il est universel. Sa fable apparaît drôle, mais elle est complexe. Le jeune homme, qui croit avoir tué son père d’un coup de pelle, qui se sauve et se vante de l’avoir fendu du sommet du crâne jusqu’à la ceinture, est un peu ?dipe, un peu Hamlet et même le Christ.

D’ailleurs, c’est son nom, Christy. Synge n’est pas sérieux. Mais il a lu beaucoup de livres. Lorsqu’il parvient dans les terres de l’Ouest, le jeune homme est accueilli comme un héros par les femmes et même pas mal d’hommes. Il pourrait épouser le genre humain en quelque sorte. Et il s’émeut de l’émoi des autres, de la belle veuve comme des jeunes filles. L’écrivain s’amuse et le metteur en scène instille ce qu’il faut de fantastique dans son travail pour que le charme naturel de la pièce prenne des saveurs plus vives encore.

Marc Paquien, qui signe ce spectacle enjoué et charmeur, ne veut pas d’un plat réalisme ni d’une poésie convenue. Il nous entraîne du côté d’un fantastique très personnel, un monde à la fois concret et onirique, comme si la tourbe avait des propriétés hallucinogènes en quelque sorte. Une distribution très homogène sert ce propos audacieux et enlevé. Rien ne pèse mais tout est pesé, tout possède son juste poids. Dans un très joli décor de Gérard Didier, les lumières délicates de Dominique Bruguière, les costumes très beaux – et pas paysans pour un sou, mais justement on est chez Chagall et pas dans le folklore – de Claire Risterucci, tout concourt à l’enchantement.

Les acteurs, Manuel Mazaudier, le chenapan, Philippe Duclos, son papa, l’extraordinaire Jean-Jacques Moreau, et aussi Anthony Paliotti et Antoine Régent, tous sont formidables, comme le sont Dominique Reymond, la veuve en légère transe érotique, et Daisy Amias, Nathalie Grenat, Cécile Camp, Agathe Dronne. Une belle soirée, enjouée, drôle, fine, et une manière très intelligente de donner une fraîcheur et une profondeur nouvelles à l’immortel « Baladin du monde occidental » dans la traduction de François Regnault.

> ARMELLE HÉLIOT

Salle Gémier du Théâtre national de Chaillot, à 20 h 30 du mardi ausamedi, dimanche à 15 h (01.53.65.30.00). Jusqu’au 4 février. Durée : 1 h 40 sans entracte.

HELIOT Armelle

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7879