DE NOTRE CORRESPONDANTE
DIX MILLIONS de perte en 2006, dix-huit attendus cette année (soit 11 % des recettes) : le plus gros hôpital du Pas-de-Calais (1 200 lits) est en pleine crise financière. A tel point que l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) a prié son directeur de prendre des mesures drastiques afin de réduire le déficit.
Depuis plusieurs années, l'activité médicale du centre hospitalier de Lens diminue régulièrement. Une situation paradoxale par rapport aux indicateurs de santé de ce bassin de vie.
Installé dans l'ex-bassin minier, l'établissement touche une population socialement défavorisée qui présente de très mauvais bilans de santé. C'est dans le secteur de Lens-Hénin que la surmortalité est la plus élevée de la région : 65 % par rapport à la moyenne nationale pour les hommes. La mortalité par maladie de l'appareil circulatoire, par cirrhose alcoolique ou cancer des voies aérodigestives y atteint des sommets. Malgré ces importants besoins, l'hôpital affiche une activité insuffisante. «L'établissement souffre d'un défaut d'organisation, analyse Lucien Vicenzutti, son directeur. Trop accaparés par les pathologies lourdes, les services ne parviennent pas à répondre dans des délais satisfaisants. La raréfaction de la main-d'oeuvre médicale n'améliore rien: en pneumologie, nous comptons trois départs (dont le chef de service) sur les six postes existants. En imagerie, nous avons également beaucoup de difficultés à recruter: nous disposons de 4 temps pleins là où il en faudrait 8.»
L'architecture pavillonnaire de l'établissement, construit dans les années trente, enchérit les coûts de fonctionnement. Mais ces différents éléments n'expliquent pas à eux seuls les difficultés actuelles du centre hospitalier.
Le Dr Didier Thévenin, président de la commission médicale d'établissement (CME), évoque un certain immobilisme des soignants et des administratifs. «Lens n'a pas su prendre le virage alors que les autres ont anticipé, explique-t-il. Nous sommes tombés dans une routine et avons sans doute mal appréhendé l'évolution des pathologies. Notre patientèle, c'était le mineur. Et nous n'avons pas vu venir le changement: aujourd'hui, les gens veulent une prise en charge rapide et une hospitalisation courte. Constamment sollicités par les urgences, les services ont décroché, au profit des cliniques, très présentes dans le secteur.»
L'épidémie de Clostridiumdifficile qui a frappé la région à l'automne dernier n'a pas arrangé les choses. Les quatorze décès enregistrés à Lens ont frappé les esprits, et sans doute éloigné un peu plus la population de son hôpital.
Aujourd'hui, le centre hospitalier doit redresser la barre. Sommé par l'ARH de relancer l'activité médicale et de réaliser 4 millions d'euros d'économie sur les charges salariales, Lucien Vicenzutti a présenté son plan de « refondation » : relance des activités en perte de vitesse – chirur- gie et pneumologie en particulier –, développement de l'offre de soins en diabétologie, réanimation polyvalente et rythmologie, et partenariats avec les établissements voisins pour constituer des pôles d'excellence. Ce projet repose sur 80 millions d'euros d'investissement (dont le financement est en cours de négociation avec l'ARH) et prévoit le gel de 100 postes (sur les 2 500 que compte l'établissement) dès cette année.
C'est ce dernier point qui, le 15 mars dernier, a provoqué le mouvement de grève du personnel, suivi par 57 % des agents. «Nous refusons que le personnel paramédical fasse les frais des errances administratives et médicales des dernières années, s'insurge Denis Bouret, secrétaire de Force ouvrière, syndicat majoritaire dans l'établissement avec la CGT. Le plan de relance prévoit le gel de 100postes et le redéploiement de 110postes sur des activités nouvelles. Ce n'est pas en réduisant les effectifs que l'on va parvenir à relancer l'activité.»
Reçus au ministère par un conseiller technique de Xavier Bertrand, les syndicats ont obtenu l'assurance que l'on ne toucherait pas aux salaires et aux progressions de carrière. Mais le gel des postes reste d'actualité. Et les syndicats demeurent très vigilants, face à ce qu'ils considèrent comme un plan social.
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