SAISI EN DÉCEMBRE 2007 par le Premier ministre pour réfléchir à «l'avenir de la médecine du travail», le Conseil économique et social (CES) a adopté hier un avis qui invite le gouvernement à poursuivre la réforme engagée par les partenaires sociaux en 2000. Selon cette instance consultative, le contexte actuel exige de nouvelles mesures urgentes, d'autant que la pénurie de médecins du travail va s'accentuer. «Les trois quarts des médecins du travail sont âgés de plus de 50ans et 1700 départs à la retraite sont prévus dans les cinq années à venir», souligne l'avis du CES, dont le rapporteur est Christian Dellacherie, du groupe CGT. Or ces spécialistes doivent affronter : «L'augmentation des troubles musculo-squelettiques (TMS) et des risques psychosociaux, le développement des emplois précaires, les modifications des rythmes et des conditions de travail, la problématique de l'emploi des seniors…»
Six grands principes.
L'avis du CES propose donc «six grands principes». Il s'agit tout d'abord d' «inscrire pleinement la santé au travail dans la santé publique», d' «instaurer une réelle culture commune de la prévention» et de «couvrir l'ensemble de la population active dans une logique de parcours professionnel». Il faut que le médecin du travail «garde une place essentielle» dans des services de santé au travail dont la pluridisciplinarité (grâce à l'intervention d'hygiénistes, d'ergonomes ou d'autres intervenants en prévention des risques professionnels ou IPRP…) doit être «renforcée». Quant à l'avis d'aptitude qu'ils prononcent, il est nécessaire de le «replacer dans la logique de prévention et du maintien dans l'emploi».
Au nom de ces différents principes, l'avis du Conseil économique et social suggère une réforme d'urgence qui consiste «avant toute chose (à) fixer les missions des services de santé au travail, puis, au sein de ce nouveau cadre, de redéfinir le métier et le rôle du médecin du travail» (avec un plan national pluriannuel de Santé au travail décliné au plan régional). Ce rôle doit être «pivot» car le médecin du travail a la «capacité à conjuguer l'expertise médicale et la connaissance de l'entreprise». Pour rendre son action plus efficace, le document du CES propose «un équilibre entre le maintien d'une approche individuelle et le renforcement de l'action en milieu du travail» (communément appelé « tiers-temps »).
Au lieu des visites de routine, le CES défend l'idée d' «actions ciblées, demandées ou programmées», telles que la visite d'embauche, les visites médicales périodiques et les visites après un arrêt de travail prolongé. En plus des salariés placés sous surveillance médicale renforcée (SMR), les médecins du travail devraient pouvoir se focaliser en priorité sur les salariés «dont les conditions d'emploi et de travail, et l'état de santé» nécessitent un «suivi spécifique». L'avis du CES prône une plus grande marge de manoeuvre pour ces spécialistes afin qu'ils puissent «adapter (leur action) à la spécificité des situations, par exemple sur le chiffrage du tiers-temps ou le rythme des visites en cas de travail de nuit». De même, ils auraient un nouveau «devoir de saisine» et leurs préconisations devraient faire l'objet d'une «véritable prise en compte» et d'un «suivi».
En outre, l'assemblée du CES «estime fondamental de mettre en adéquation le financement et la gouvernance [de la santé au travail] avec ses missions». L'avis est favorable à un financement reposant toujours sur les cotisations patronales, mais déconnecté du nombre de visites (comme dans la branche accidents du travail de la Mutualité sociale agricole). La nouvelle gouvernance pourrait s'appuyer sur la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et, en région, sur les comités régionaux de la prévention des risques professionnels (CRPRP).
Le CES souhaite voir «développer les liens de la médecine du travail avec la médecine de ville et hospitalière», avec l'accès du médecin du travail au dossier médical personnel (DMP, dans un volet «expositions et risques professionnels»). L'avis du CES propose enfin une augmentation du nombre de postes ouverts à cette spécialité (de 60 à 170/an) et la mise en place d'un «réseau de la santé au travail» doté d'un système d'informations.
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