DEUX TRAITS particuliers distinguent le cerveau humain de celui des autres espèces : sa taille et sa complexité. Une équipe de chercheurs de l'université de Chicago a tenté, à partir de l'étude de deux gènes impliqués dans la microcéphalie, la microcéphaline et l'Aspm (Abnormal Spindle-Like Microcephaly) que ces deux caractères acquis au cours de l'évolution continuent à se modifier sous la pression de la sélection naturelle.
La microcéphalie est une maladie autosomique qui se traduit chez l'homme par une diminution du périmètre crânien à la naissance (< 3e percentile à la naissance), associée à un retard mental. Les deux gènes étudiés par l'équipe de Chicago font partie des huit gènes qui ont été mis en cause dans l'anomalie. Ils jouent un rôle dans la multiplication et la différenciation des neuroblastes au cours de la neurogenèse. Des analyses phylogénétiques ont montré que les deux gènes sont également impliqués dans l'évolution qui a conduit des primates à Homo sapiens. Dans l'étude qu'ils publient dans « Science », les chercheurs de Chicago montrent que cette évolution du cerveau humain s'est poursuivie bien après l'apparition de l'homme moderne.
Dans la première étude, ils ont analysé les variations (polymorphismes) du gène codant pour la microcéphaline. D'abord chez le chimpanzé, puis dans un échantillon de 89 personnes d'un échantillon représentatif de la diversité ethnique humaine. Ils ont ainsi pu mettre en évidence une variation particulière qui serait étendue rapidement et sur une courte période. Apparue il y 37 000 ans (de 14 000 à 60 000 ans), elle serait postérieure à l'émergence en Afrique de l'homme moderne évaluée, elle, à 200 000 ans.
Arrivée de l'homme moderne en Europe.
Selon les chercheurs, cela tend à montrer qu'à cette période tardive existait une pression de sélection très forte qui aurait contribué à faire naître la variante particulière du gène. Cette période « coïncide avec l'arrivée de l'homme moderne en Europe, il y a environ 40 000 ans » et avec elle la révolution du paléolithique, au cours de laquelle sont apparues l'art et l'usage des symboles. Une répartition géographique du polymorphisme étudié montre une fréquence élevée chez les Européens, les Nord-Africains, les populations de l'Asie. En revanche, il serait peu fréquent en Afrique subsaharienne, d'où l'hypothèse d'une apparition en Eurasie, au moment de la migration de l'homme hors de l'Afrique.
La deuxième étude, en parallèle de la première, met en évidence une variation particulière du gène Aspm. La variation, fréquente chez les Européens, est cette fois peu présente en Asie et en Afrique. Elle serait plus récente, apparue il y a 5 800 ans (5 00 -14 000 ans). Cette dernière observation tend à accréditer l'hypothèse selon laquelle la mutation du gène survenue il y a des millions d'années, au moment de l'hominisation, continue à subir l'effet d'une pression positive de sélection. Les chercheurs pensent que l'événement doit être mis en parallèle avec l'émergence de la domestication, la rapide progression de la population due au développement des villes et l'apparition de l'écrit.
Quand on les questionne sur la répartition géographique du polymorphisme impliqué dans cette évolution et le rapport avec l'intelligence humaine, les chercheurs affirment : « Le fait que ces gènes continuent à évoluer ne signifient pas obligatoirement qu'ils rendent plus intelligents. » L'étude ne dit rien sur le sujet, mais pourrait laisser la porte ouverte à ce type d'interprétation.
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