BPCO et biologie musculaire
« EN TERMES d'Evidence base medicine, déclare le Pr Christian Préfaut, la réadaptation musculaire est le traitement réellement efficace. En France, poursuit-il, nous définissons la bronchopneumopathie chronique obstructive (Bpco) comme une maladie générale (chronique) à point de départ respiratoire, tandis que les Américains parlent de maladie systémique. » En effet, en dehors de l'atteinte respiratoire, elle touche le muscle périphérique, elle entraîne une dénutrition en rapport avec la destruction du muscle et elle s'accompagne d'atteintes cardiaque et comportementale (60 % des sujets présentant une Bpco souffrent d'anxiété et 40 % sont déprimés).
L'atteinte musculaire a été décrite il y a une vingtaine d'années selon un modèle théorique nommé« la spirale de la dyspnée » ou encore « le cercle vicieux du déconditionnement ».
La spirale de la dyspnée.
« Ces deux termes sont très explicites, souligne C. Préfaut. Le malade respiratoire présente une dyspnée lors des efforts, ce qui l'amène à en faire de moins en moins, de sorte qu'apparaît un retentissement musculaire (appelé déconditionnement) ». Cette constatation est étayée par des biopsies musculaires pratiquées sur des athlètes qui, lorsqu'ils ne s'entraînent plus, diminuent le nombre de leurs fibres de type 1 (fibres oxydatives mises en jeu dans l'entraînement de base) et compensent par une augmentation de leurs fibres musculaires de type 2 (dites rapides et mises en jeu normalement lors d'efforts sportifs intenses et ponctuels).
Quand le patient porteur d'une Bpco est obligé de faire un effort, il va mettre en jeu ses fibres musculaires de type 2 qui fabriquent de l'acide lactique. L'organisme tamponne alors avec des bicarbonates et une fabrication de gaz carbonique, le meilleur stimulant de la ventilation. « Avec pour effet immédiat, souligne C. Préfaut, l'aggravation de la dyspnée. Puis, lorsque le pouvoir tampon diminue, l'acide lactique va directement stimuler les centres respiratoires. Le patient va être de plus en plus essoufflé et éviter tout effort ». C'est « la spirale de la dyspnée » ou « le cercle vicieux du déconditionnement ».
C'est ce modèle, vieux de plus de vingt ans, qui a, peu à peu, amené médecins et chercheurs à envisager que l'entraînement musculaire induisait la fabrication de fibres de type 1 chez le sujet sain comme chez le patient souffrant d'une Bpco et donc à l'envisager comme traitement de la dyspnée chez ce dernier. « C'est ainsi, explique C. Préfaut, que des patients sont entraînés avec succès depuis une quinzaine d'années. Une première métaanalyse, parue en 1996, puis de nombreux autres articles par la suite ont fait la démonstration de l'efficacité de cet entraînement. »
Sédentarité.
Depuis trois à quatre ans, les chercheurs s'intéressent aux sujets sédentaires qui ne présentent ni maladie respiratoire ni maladie cardiaque. Une étude, réalisée dans le service du Pr Préfaut et publiée en 2003, a révélé que les sujets actifs possédaient 60 % de fibres de type 1, les sédentaires sains, 40 %, et les sujets porteurs d'une Bpco, de 20 à 25 %. « Il nous est donc apparu clairement, insiste C. Préfaut, que la sédentarité joue un rôle dans la répartition des fibres musculaires, mais que ce n'était pas le seul facteur en cause chez les sujets souffrant de Bpco. Reste à savoir, aujourd'hui, quels sont les autres facteurs qui peuvent expliquer la maladie intrinsèque du muscle chez le sujet Bpco. »
Antioxydants.
Cette maladie intrinsèque, cette myopathie, a t-elle une composante inflammatoire ? La question reste posée, même si on ne retrouve pas d'inflammation dans le muscle du sujet Bpco.
Une autre hypothèse, défendue par C. Préfaut, est que cette myopathie est commune à de nombreuses maladies chroniques. Mais quelle est son origine ? Certains désignent l'apoptose, mais les résultats sont contradictoires. Reste l'hypothèse du stress oxydant, confortée par de nombreuses études, tout en sachant qu'il induit l'apoptose. Les premières études avec les antioxydants ont déjà démarré.
D'après un entretien avec le Pr Christian Préfaut, Laboratoire de physiologie des interactions, CHU Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier, modérateur de la session « Muscle biology and rehabilitation ».
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