Le temps de la médecine
En juillet 2001, le photographe nigérian J. D. 'Okhai Ojeikere proposait au public de la Fondation Cartier de Paris quelques clichés d'une oeuvre qui compte plus de 1 000 photographies de coiffures de femmes africaines. Pendant plus de cinquante ans, il a immortalisé ces parures éphémères conçues comme des oeuvres d'art : « Voir une artiste des cheveux faire tous ces gestes précis comme une artiste ferait une sculpture est fascinant. Les coiffures sont une forme d'art. »
Symbole de l'élégance, ces coiffures sont un casse-tête et demandent une vigilance de chaque instant. Car le cheveu crépu se caractérise par son extrême fragilité. Il « présente la particularité essentielle d'une croissance en torsion hélicoïdale. Sa tranche de section est elliptique, contrairement au cheveu européen qui est arrondi et a un trajet rectiligne », explique le Dr Camille Fitoussi (dermatologue, Paris). Cette forme en ruban aplati plus ou moins enroulé en fait un cheveu qui ne résiste pas à la traction, qui casse et pousse lentement, s'emmêle facilement et devient incoiffable dès qu'il dépasse 5 cm.
Une autre de ses caractéristiques est d'être très sec, en raison d'une faible sécrétion et d'une mauvaise répartition du sébum le long de la fibre capillaire. Cette sécheresse s'aggrave dans les zones à faible degré d'hygrométrie : « En zones tropicales humides, les cheveux sont gonflés d'eau. En France, avec une réduction de 20 % du niveau d'hygrométrie, ils sont plus secs et se cassent lors du coiffage. »
Des habitudes délétères
Le recours aux artifices est indispensable : tressage, tissage avec des postiches cousus sur la chevelure tressée et défrisage. « Pour ces femmes, c'est un fantasme d'être bien coiffée et d'avoir les cheveux souples, car cela ne leur est pas donné », assure le Dr Khadi Sy Bizet (médecine esthétique, Paris). Mais cela coûte cher : « Les soigner, les assouplir, les coiffer exige un budget capillaire important et une vigilance quotidienne. »
De plus, les habitudes cosmétiques exposent à certaines pathologies. Le Dr Bizet assure que les problèmes capillaires occupent 60 % de ses consultations. « Même le tressage, mode de coiffure traditionnel, n'est pas anodin. Plus les tresses sont serrées, plus elles sont jolies et plus elles durent. J'ai rencontré une fois un cas d'alopécie centrale avec une nécrose du cuir chevelu apparue 48 heures après un tressage. » Les alopécies de traction plus progressives sont, elles, plus fréquentes. Elles apparaissent après plusieurs années, surtout dans la région temporale, mais peuvent être frontales ou occipitales : « Ces pseudo-pelades se rencontrent fréquemment chez les femmes à partir de 30 ans. Elles se présentent comme des zones alopéciantes entourées d'un petit liséré de cheveux normaux », ajoute le Dr Fitoussi. Le conseil du Dr Bizet : « Ne pas les serrer, ne pas les garder plus de trois semaines et les laver régulièrement. »
Car le lavage peut aussi être un souci. En raison des difficultés de coiffage et de produits peu adaptés, les femmes préfèrent espacer le moment où elles se lavent les cheveux (tous les 10-15 jours). « Souvent, il existe un état squameux du cuir chevelu, les pellicules s'accumulent. Ce ne sont pas des mycoses, mais plutôt une dermite séborrhéique, signale le Dr Fitoussi. L'habitude du graissage, souvent trop abondant, provoque parfois des acnés du front.
Le défrisage, l'une des méthodes le plus utilisées, est « une agression chimique très sévère du cheveu car il est pratiqué avec les mêmes produits que les crèmes dépilatoires. Il attaque la structure du cheveu pour modifier sa forme et le fragilise ». Le Dr Bizet met en garde contre cette pratique chez l'enfant : « Il faut attendre le plus longtemps possible, à l'adolescence ou au-delà. Dans tous les cas, il faut préférer une application par des professionnels. Les patientes ont tendance à prendre des produits trop doux et renouvellent trop fréquemment l'opération ou elles ne respectent pas toujours les temps de pose. »
La chute de cheveu est souvent un motif de consultation. Si elle est physiologique, elle peut être facilitée par le défrisage. Il faut également savoir penser à une anémie, fréquente chez la femme noire (anémies constitutionnelles, fibromes, grossesses multiples).
Les hommes aussi
- Liée au rasage, la pseudo-folliculite de barbe se traduit par l'apparition de papules parfois surinfectées, inflammatoires, pustuleuses. Elle est due à la texture particulière du poil crépu et de la peau. Le poil a tendance à rester incarné sous la peau après un rasage trop court. La meilleure solution consiste à utiliser une tondeuse à barbe qui coupe le poil à un millimètre de son émergence. Lorsque les problèmes de barbe sont importants, certains hommes sont tentés par le laser épilatoire, avec une épilation prolongée. Mais ce dernier doit être manipulé avec précaution car le laser agit par contraste pigmentaire. « Il faut un laser qui peut être réglé sur le noir foncé du follicule par rapport à la peau relativement claire. »
- La folliculite fibrosante de la nuque est de plus en plus fréquente en raison de la mode des crânes rasés. L'apparition de ces papules très dures oblige à l'arrêt de tout rasage.
- Les alopécies androgéniques sont rarement des motifs de consultation. Le crâne rasé est devenu une solution. La chirurgie de la calvitie (minigreffes et lambeaux), longtemps limitée par le risque de chéloïde, commence à être possible, mais doit être pratiquée par des spécialistes qui connaissent bien le cheveu crépu et son implantation.
- La canitie est plus tardive et survient après 50 ans.
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