LA RÉFORME 2004 de l'assurance-maladie et la convention médicale qui s'est ensuivie ne font pas exception à la règle qui prévaut depuis des lustres et que l'on retrouve dans chaque plan élaboré par les pouvoirs publics ou les responsables de la Sécurité sociale : les dépenses de médicaments, disent ces textes, doivent être largement revues à la baisse, pour permettre le retour à l'équilibre des comptes. Un équilibre qui n'est d'ailleurs que rarement atteint.
Ainsi la réforme de Philippe Douste-Blazy prévoit-elle un plan médicament qui devrait rapporter 2 milliards d'euros d'économies par an à l'horizon 2007 ; et la convention médicale signée en janvier par l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie et trois syndicats médicaux (Csmf, SML et Alliance) insiste-t-elle sur la nécessité d'obtenir 998 millions d'euros d'économies pour la seule année 2005, dont près de 400 millions grâce aux seules prescriptions de médicaments.
Pour autant, est-ce raisonnable ? Oui, répondent les signataires de la convention, médecins en tête, qui s'appuient déjà sur les résultats de ce début d'année pour montrer que les prescriptions d'antibiotiques continuent de diminuer, que celles de psychotropes et d'anxiolytiques ralentissent fortement, même si ce n'est pas suffisant, fait remarquer un expert, et que les dépenses de médicaments à la charge de l'assurance-maladie n'ont progressé que de 4,3 % en février, contre plus de 7 % en 2004.
Pour les contestataires de la réforme et de la convention, les économies envisagées ne seront pas au rendez-vous, ni en 2005 ni même en 2007.
Qui croire ? Même s'il est intéressant d'entendre un économiste avisé comme Claude Le Pen, très partisan de la réforme, affirmer, dans le numéro de janvier du mensuel spécialisé « Pharmaceutiques », que « la croissance du marché du médicament sera plus faible » en 2004 et qu'on allait entrer « dans une période apaisée après quelques années de forte croissance », le doute subsiste. Ne serait-ce parce que les nouveaux médicaments qui sont aujourd'hui sur le marché et ceux qui vont arriver dans les prochains mois et les prochaines années auront des prix beaucoup plus élevés que leurs prédécesseurs et que, en conséquence, baisse des prescriptions ne signifie pas nécessairement baisse importante de la croissance des dépenses.
L'effet volume et l'effet prix.
A cet égard, on a noté que la forte hausse des dépenses de médicaments en 2004 n'était pas due pour l'essentiel au volume des prescriptions, c'est-à-dire au nombre de boîtes par ordonnance, mais au prix des médicaments. Un effet structure qui laisse aussi rêveur sur l'efficacité des politiques de déremboursement partiel ou total, puisqu'il est clair que l'on a assisté à des transferts de prescriptions de produits déremboursés vers des médicaments plus chers. Enfin, l'accroissement du nombre de médicaments uniquement délivrés par les pharmacies hospitalières à des malades non hospitalisés, et qui sont généralement chers, a participé et participera encore largement à cette croissance des dépenses de médicaments.
L'accord de juin 2002.
A l'inverse, la croissance des génériques constatée depuis plusieurs années et confirmée, dans une certaine mesure, en 2004 peut-elle compenser la progression générale des dépenses ? La convention fixe aux généralistes la mission d'économiser, grâce aux génériques, 55 millions d'euros en 2005. L'objectif ne semble pas hors d'atteinte.
L'accord signé en juin 2002, accordant le C à 20 euros aux généralistes, leur imposait aussi de rédiger 25 % de leurs prescriptions en dénomination commune, dont au moins 12,5 % de génériques. Qu'en est-il réellement ? Selon les statistiques de la société IMS, seulement 8,5 % des prescriptions sont rédigées en DC et, s'il est vrai que le nombre de prescriptions en générique augmente régulièrement, les économies sur ce poste tendent à stagner, sinon à régresser, ce qui s'explique par le faible prix des copies, prix sans cesse tiré vers le bas tant la concurrence est forte. Conséquence, explique, ironique, un observateur attentif du marché du médicament : si « les généralistes se sont assis (?) sur leur accord du 5 juin pour la prescription en DC, ils ont joué, pour la plupart, le jeu des génériques. Sans grande conséquence économique ». Ce qui est sans doute pousser la critique un peu loin.
Mais le ministre de la Santé, qui veut réaliser (« le Quotidien » du 1er juin 2004) 4 milliards d'euros d'économies sur ce poste d'ici à 2008, est encore loin du compte. Le pari n'est pas gagné. Même si de grosses molécules, comme en 2004, devraient être « généricables » cette année et les années suivantes. Ce qui devrait permettre à l'assurance-maladie de faire des économies. Du moins si les médecins et les pharmaciens, par leur droit de substitution, jouent le jeu. Nul doute que les pouvoirs publics y veilleront.
Mais il sera difficile de compenser par ce seul moyen les dépenses créées par l'arrivée de médicaments innovants, et surtout onéreux.
Voir aussi :
> Baisse des ventes en volume, mais hausse en chiffre d'affaires
> Chassang : les généralistes ont respecté l'accord du 5 juin 2002
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