REGROUPER QUATORZE professions de santé (1) en première année de médecine, telle est la principale mesure que proposait Domitien Debouzie, président de l'université Claude-Bernard (Lyon-I), dans un rapport remis aux ministères de la Santé et de l'Education nationale en septembre 2003 (« le Quotidien » du 26 septembre). Le responsable de la commission pédagogique nationale pour la réforme de la première année de médecine concluait ainsi ce document : « L'idée d'une culture commune entre professionnels de la santé s'est imposée comme l'un des principes fondamentaux d'une réforme. »
La Conférence des présidents d'université s'est opposée catégoriquement à une réforme qu'elles craignent de devoir assumer seules. La Conférence des doyens a, pour sa part, émis des réserves. Son président, le Pr Bernard Charpentier, souhaite en effet que la réforme se déroule en douceur : « Toutes les facultés ne pourront pas s'ouvrir à toutes les professions. »
Il préconise de tirer parti d'expériences pilotes comme celle menée à Grenoble, qui accueille en première année des sages-femmes depuis 1992, des kinésithérapeutes depuis trois ans, et des manipulateurs radio pour la seconde année. Car mettre en place une année commune nécessitera des moyens administratifs et logistiques très lourds.
« Certains petits UFR ne disposent pas de suffisamment d'enseignants », prévient le Dr Patrick Berche, doyen de la faculté de Necker (Paris-V).
Les étudiants s'opposent.
Six mois après la remise du rapport Debouzie, les étudiants attendent toujours des propositions concrètes. Amandine Brunon, présidente de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), juge la réforme irréaliste :<\!p> « Avec la hausse du numerus clausus , on est au bord de l'explosion dans certaines facultés. » Il y a en France actuellement près de 40 000 étudiants en première année de médecine. L'application de la réforme triplerait les effectifs. L'Union nationale Interuniversitaire (Uni) a fait savoir qu'elle était opposée à toute tentative de rapprochement des professions médicales et paramédicales en première année. Selon son représentant, Emmanuel Chazard, l'application du rapport pourrait en effet accroître certains conflits professionnels : « Dans certaines facultés où une expérience commune a été tentée, les admis aux postes de sage-femme ont eu des résultats catastrophiques. Comment, dès lors, peuvent-elles être considérées par les médecins ? » Le système doit être évolutif, estime le Dr Jean-Luc Debru, doyen de la faculté de Grenoble.
Pour le Dr Patrick Berche, également favorable à une première année commune pour médecins et paramédicaux, il ne fait aucun doute que « les enseignants de médecine sont les plus qualifiés pour prendre en charge la formation des paramédicaux ». L'intérêt de la réforme réside, selon lui, dans la perspective de garder dans le système de santé des étudiants de première année de très grande qualité, « en pharmacie, biologie, ou dans les sciences ».
Amandine Brunon met cependant un bémol : « Tous les étudiants intéressés par la médecine ne vont pas forcément se tourner vers le métier d'infirmier ou les professions paramédicales ». Emmanuel Chazard est plus radical : « Seule la kinésithérapie intéresse actuellement les étudiants recalés en médecine. »
(1) Les pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-pédologues, audioprothésistes, manipulateurs en électroradiologie médicale et techniciens en analyses médicales.
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