Le casse-tête chinois de M. Bush

Publié le 18/04/2001
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O N n'a pas idée, en France, de l'enthousiasme national avec lequel ont été accueillis les 24 militaires américains libérés par la Chine après un incident grave qui a forcé leur avion à atterrir sur l'île de Hainan.

Le public américain a surtout vu dans cette libération un succès de la nouvelle diplomatie américaine. En réalité, le gouvernement chinois, dont l'aviation harcèle depuis plusieurs mois les avions espions américains, a obtenu sinon des excuses américaines, des regrets exprimés par un mot qui, en chinois, peut se traduire par excuse. Les subtilités de la traduction ont fait faire aux deux gouvernements la partie du chemin que ni l'un ni l'autre ne voulaient parcourir.
Les dirigeants chinois estiment que l'écoute systématique de leurs communications par les Américains est une atteinte à leur souveraineté. Le président Bush répond qu'il ne peut pas se passer de ces écoutes pour des raisons de sécurité. Mais le différend est plus profond : le régime communiste chinois est inquiet du changement d'administration à Washington. Il s'attend à une offensive américaine sur les droits de l'homme en Chine et il s'efforce de la prévenir en créant de nouveaux problèmes entre les deux pays.
M. Bush l'aura compris qui, de son côté, doit faire face au milieu des affaires, très favorable aux échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine. Le président Jiang Zemin joue fort bien la carte nationaliste : rien de tel pour faire oublier au peuple chinois son déficit de libertés qu'une injection d'anti-américanisme. De sorte que l'épisode, au total, ne se solde pas en faveur de M. Bush.
Mais à nationaliste, nationaliste et demi. Voilà que les 24 militaires sont fêtés comme des héros aux Etats-Unis, comme des hommes (et des femmes) que la Chine a gardés en otage pendant quelques jours. Le gouvernement américain apporte en outre des informations à la gloire de l'équipage, qui aurait pu détruire tout ou presque tout l'équipement électronique embarqué, les Chinois n'ayant récupéré qu'une coquille vide. Le problème, néanmoins, reste entier : l'Amérique écoute le monde entier, ce qui est incompatible avec la souveraineté de ses amis et de adversaires.
M. Bush qui, pendant les deux premiers jours de l'affaire, avait adopté une attitude nonchalante et presque indifférente, s'est aperçu très vite qu'elle avait en réalité des proportions considérables. Il l'a alors traitée avec toute la diligence requise. Mais il aurait tort de croire qu'elle est révolue. Elle annonce au contraire des difficultés à venir dans ses relations avec Pékin où, l'année prochaine, les principaux dirigeants doivent laisser la place à de plus jeunes successeurs. Du choix de ces dauphins dépendent l'évolution du régime et son attitude à l'égard des Américains en particulier et des Occidentaux en général.

R. L.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6901