« LE JOURNAL DU DIMANCHE » a consacré une enquête à l’état de santé de Jacques Chirac, ce qui a conduit son épouse à en démentir l’essentiel, à savoir qu’il avait la maladie d’Alzheimer. Dès dimanche dernier, de nombreuses voix politiques se sont élevées pour dénoncer le sensationnalisme de la presse et pour réclamer le respect de la vie privée de l’ex-président. Avec sa franchise habituelle, Mme Chirac a reconnu que son époux avait des trous de mémoire et qu’il marchait d’un pas plus lent. Elle ne sait pas si ces difficultés sont liées à l’âge (M. Chirac a 78 ans) ou à l’accident vasculaire cérébral qu’il a eu alors qu’il était encore président. Le pessimisme du « JDD » était de nature à apitoyer l’opinion qui trouve aujourd’hui au citoyen Chirac des qualités qu’elle ne lui reconnaissait pas quand il était aux affaires. C’est le syndrome Dominique Strauss-Kahn à l’envers : si une personnalité politique n’est pas au pouvoir ou l’a quitté, elle gagne en popularité.
Une justice lente.
La question des poursuites judiciaires ne se pose pas, même si Mme Chirac a eu du courage et de l’honnêteté à le dire. L’opinion a le sentiment que la justice arrive bien tard, qui s’apprête à juger un homme âgé et fatigué auquel, en définitive, on reproche des broutilles. Mais le temps où l’on échappait à la justice si l’on était assez puissant est révolu. Avec lucidité, Jacques Chirac le sait fort bien, même si, de toute évidence, il aimerait bien faire l’économie d’un procès qui comptera, dit-on, quinze audiences, sera fatalement exploité par la presse et remettra sur le devant de la scène des actes ou comportements antérieurs aux élections de 1995. Tout ancien président veut laisser une trace dans la postérité et le procès ne pourra qu’abîmer l’image de M. Chirac au soir de sa vie, c’est-à-dire à un moment où il ne lui restera plus beaucoup de temps pour la redorer.
UNE PARTIE DE L’OPINION SOUHAITE QUE CHIRAC SOIT EXONÉRÉ
En même temps, on doit admettre que si le procès a lieu tant d’années après les faits, c’est parce que M. Chirac a utilisé à son profit son immunité présidentielle, qui aura duré douze ans. La justice a observé sans broncher toutes les règles, avec sa patience coutumière, et il est difficile de lui objecter que, M. Chirac ayant pris de l’âge, une immunité gériatrique devrait succéder à l’autre. Cependant, si la vieillesse n’est pas un argument de droit, c’est celui qui remue les cœurs : une bonne partie des Français ne souhaite pas vraiment qu’on mette au supplice moral un homme qui a incarné le pays et, comme l’opinion le trouve aujourd’hui plus sympathique que naguère, elle voudrait bien qu’il soit exonéré. On retombe dans le vieux clivage gauche-droite, avec des personnalités de l’opposition qui ne ménagent guère l’ancien président et ne font donc preuve d’aucune sensiblerie, tandis que, dans la majorité, on dresse un bilan excessivement optimiste des actions de l’ancien maire et ancien président.
Même Eva Joly (Europe-Écologie, les Verts), qui a parfois des mots féroces, admet que Jacques Chirac ne pourra sans doute pas assister à la totalité des audiences d’un procès prévu pour durer cinq semaines. En définitive, derrière l’ancien président apparaît l’homme qui, comme tout le monde, subit « des années les irréparables outrages », est le premier à s’en rendre compte et peste contre la vieillesse. Chirac était un animal politique. S’il ne s’est pas embarrassé de scrupules lorsqu’il a décidé de combattre Chaban, puis Giscard, il a toujours été animé par une fougue juvénile, une vitalité, une force physique et mentale considérables. Mais voilà, il n’était ni de Gaulle, ni Mendès-France. Pour avoir leurs principes, il lui eût fallu une idée politique que ses combats dans son camp et hors de son camp ne lui donnaient pas le loisir de concevoir. Il n’était pas distinct de ses compétiteurs et même Mitterrand, dont il a facilité la victoire en 1981, avait bien plus que lui l’étoffe présidentielle. Ce qui ne l’a guère empêché d’entrer dans l’histoire et de diriger le pays pendant douze ans. C’est infiniment pénible de tomber d’un piédestal, et c’est encore pire quand cela se produit à la fin d’une vie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature