Pour la deuxième année consécutive, l'expert Jean de Kervasdoué dresse, dans le « Carnet de santé de la France » (1), un rapport publié sous l'égide de la Mutualité française, le bilan des politiques conduites dans ce domaine.
Dénué de toute complaisance, le constat est accablant pour le gouvernement, incapable, selon lui, « de définir une politique et de choisir ses alliés ».
La confiance des Français dans leur système de santé, classé au premier rang mondial par l'OMS, le retour affiché à l'excédent des comptes de la Sécurité sociale et la période préélectorale expliquent sans doute le peu d'ardeur réformatrice du gouvernement. Mais, pour Jean de Kervasdoué, le résultat de cette atonie est que l'étatisation progressive du système de santé s'est doublée d'une impuissance et finalement d'un renoncement à maîtriser les dépenses de santé.
« A force de subir des échecs aussi flagrants que répétés en médecine de ville, après avoir tenté l'oubli, la dissimulation, la confusion des concepts et des comptes, le ministre de la Santé et, avec lui, les responsables des partis politiques de la majorité, comme de l'opposition, semblent abandonner cet objectif prioritaire », constate-t-il.
Un tel changement dans le discours tenu durant ces vingt dernières années n'est pas forcément une bonne chose pour le système de santé car, comme le souligne l'auteur, « il est difficile de contrôler les dépenses de santé quand les gouvernements y croient. Quand ils n'y croient plus, elles explosent ».
L'apparent équilibre de la Sécurité sociale obtenu, affirme-t-il, en « maquillant volontairement les comptes », cache par ailleurs une envolée préoccupante des dépenses d'assurance-maladie en 2000 et 2001. L'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) a été dépassé de 17 milliards de francs en 2000 et devrait l'être de 3 milliards d'euros en 2001. Une tendance qui devrait s'amplifier en raison notamment de l'impact financier des mesures prises ces derniers mois en faveur des hôpitaux et des cliniques. Car, à ignorer partenaires sociaux et professionnels de santé, le gouvernement a été contraint, selon l'auteur, de conduire une politique de santé par la grève. « Depuis deux ans, toutes les professions et institutions médicales ou paramédicales se sont mises en grève. Dans tous les cas, sauf deux, le gouvernement a cédé. » Du coup, les conséquences financières de ces décisions qui se feront pleinement sentir en 2004 seront lourdes - plus de 3 milliards d'euros - et vont « assombrir des perspectives déjà inquiétantes pour l'équilibre de l'assurance-maladie ».
Cette incapacité à anticiper et à gérer les conflits restera pour Jean de Kervasdoué une occasion manquée. Car non seulement « il sera difficile, sans une réforme profonde, de traîner le système actuel au-delà de 2010 », mais la perte de confiance « et, souvent, la violence du milieu médical envers la classe politique, constatées dans de nombreuses réunions publiques, sont inquiétantes et n'augurent rien de bon ».
(1) Jean de Kervasdoué et Rémi Pellet, le « Carnet de santé de la France » 2000-2002, la Mutualité française/Economica, 332 p.,15 euros.
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