C ETTE guerre civile qui oppose sans relâche les Palestiniens aux Israéliens dépasse l'entendement. C'est une guerre civile en ce sens que les civils y prennent part en tant qu'agresseurs et en tant que victimes. Elle est intolérable parce qu'elle traduit par un paroxysme de violence des intentions et des calculs politiques dont on devine que ceux qui les nourrissent ont décidé de ne pas lésiner sur le prix en vies humaines. Apparemment, la vie, à leurs yeux, n'a pas d'importance.
D'une part, les Israéliens ont décidé d'appliquer à la crise le fameux principe d'intolérance zéro sur lequel certains maires de France se fondent dans leurs communes pour lutter contre l'insécurité. Sauf que, dans le cas d'Israël, ce sont des moyens militaires qu'on engage contre les semeurs de troubles. D'autre part, Yasser Arafat, qui continue de voyager (il était hier en Egypte et devait se rendre en Tunisie), ne semble plus avoir la moindre prise sur les forces palestiniennes : il a interdit, il y a une quinzaine de jours, les tirs au mortier, qui ont repris de plus belle.
Harcèlement permanent
Sur le plan tactique, M. Sharon a clairement pris le dessus. Sommé par les Américains de ne pas réoccuper une partie des territoires, il y envoie son armée tous les jours et parfois plusieurs fois par jour. Aux Palestiniens, il riposte par un harcèlement permanent, jour et nuit, avec des incursions dans les territoires, des tirs de roquettes sur les voitures des chefs palestiniens et la destruction systématique des immeubles d'où partent les tirs. De temps en temps, un colon (souvent une femme, ou des enfants de colons) est assassiné. Le message des Palestiniens est simple : les colons n'auront pas la paix tant qu'ils n'auront pas déguerpi. Celui des Israéliens est encore plus limpide : pour chaque meurtre, le prix sera très élevé ; vous ne règlerez aucun problème par la violence.
Ajoutons à ce tableau cruel les bavures inévitables de l'armée israélienne qui a tué l'autre nuit cinq policiers palestiniens qu'elle croyait coupables, mais elle se trompait, d'avoir tiré sur elle. La presse israélienne a très vivement critiqué le comportement de l'armée dans ce carnage.
Geler les colonies
Un sondage tout récent montre que les Israéliens sont plutôt déçus par les mesures de sécurité de Sharon. Après leur avoir promis le retour au calme pendant la campagne électorale, il leur demande maintenant du sang et des larmes. Le déploiement de toutes les forces israéliennes n'empêchera pas les attentats à la bombe, les tirs d'obus et les meurtres commis contre des civils. En revanche, les Israéliens souhaiteraient que leur gouvernement dispose d'un plan politique.
Or celui de M. Sharon se limite à la recherche impossible de la sécurité. Elle ne naîtra jamais de la violence. Si elle est nécessaire à des fins défensives, elle doit être associée à la réitération patiente de propositions politiques. Dans le feu de la bataille, M. Sharon s'est durci, ou plutôt il est revenu à ses vieilles idées sur les implantations et l'impossibilité de traiter avec les Palestiniens. Mais lorsqu'il dit qu'on ne peut pas négocier pendant la guerre, c'est faux. Les tractations continuent dans le plus grand secret. Ce qui signifie qu'il est préférable de ne recourir ni aux principes inaltérables ni aux ultimatums. On négocie pendant la bataille, et il n'y a pas de négociation sans échange de concessions.
Or il n'y aura pas d'issue si, comme l'exigent Américains et Européens, M. Sharon ne gèle pas au moins la colonisation. Pas parce que des Israéliens n'auraient pas le droit de s'installer au-delà d'une frontière née des conflits historiques. Mais parce qu'il faut bien que les Palestiniens vivent où ils sont. M. Sharon craint par dessus tout, s'il gèle les implantations, de paraître donner des signes de faiblesse. Pourtant, il améliorerait beaucoup son crédit diplomatique s'il consentait à le faire. C'est trop facile de persévérer dans une politique jusqu'à ce que le dernier des colons y laisse la vie. C'est trop facile d'en payer le prix avec du sang, qu'il soit juif ou arabe.
Certes, M. Sharon franchirait-il ce cap qu'il n'obtiendrait pas nécessairement le retour au calme et que les Palestiniens s'empresseraient de célébrer la victoire remportée contre l'Etat sioniste. Israël peut leur laisser ce plaisir, après un si long cortège de souffrances. Comme chaque fois qu'il est en position de force, le moment est opportun pour ce qu'on appelle une ouverture, un geste, un gage. Sinon M. Arafat continuera de voyager et les acteurs de ce drame sans fin continueront à mourir.
Le plan égypto-jordanien, le rapport de la commission Mitchell (d'une rare prudence) sont des occasions à saisir. La guerre couvre de sa fumée toutes les initiatives diplomatiques. Et pourtant, elles existent. Toute la question tient en une phrase : combien de morts pour arriver un jour à un accord de toutes façons inéluctable ?
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