Le Caravage, victime d’un staphylocoque doré il y a 400 ans

Publié le 19/09/2018
Caravage

Caravage
Crédit photo : DR

Quatre siècles après le décès d’un des plus grands peintres italiens du XVIIe siècle, une équipe franco-italienne élucide les causes du décès : Le Caravage aurait été victime d’une septicémie liée au staphylocoque doré, à l’âge de 39 ans. L’étude est publiée dans le « Lancet infectious disease », tandis que s’ouvre le 21 septembre au musée Jacquemart-André, à Paris, une exposition exceptionnelle consacrée au peintre.

Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Caravage ou Le Caravage (1571-1610), a été l’un des peintres les plus talentueux de son temps. Excellant dans le clair-obscur, il appliqua cette technique de façon inédite à la peinture religieuse qu’il traita de manière réaliste, à l’image des scènes de la vie quotidienne. Une révolution. Mais à Rome, à la fin du XVIe siècle, la peinture de Caravage n’avait d’égal que son tempérament brutal. Sa carrière romaine s’acheva par un affrontement au cours duquel il tua son adversaire. Condamné à mort, contraint à l’exil, il mourut à Porto Ercole en 1610 et fut inhumé dans une fosse commune.

Pulpe dentaire révélatrice

Bien que la dépouille du peintre ait été mêlée à d’autres corps, son squelette a pu être retrouvé par l’équipe de l’anthropologue Giorgio Grupppioni, à l’Université de Bologne, grâce à un segment d’ADN rare, situé sur le chromosome Y. Ce dernier était porté à la fois par un des squelettes de la fosse commune et par des Italiens actuels, du nom de Merisi. Il est très probable qu'il s'agisse de la dépouille de Caravage, d'autant que les ossements présentaient un taux de plomb plus élevé que les autres, un élément très présent dans les peintures.

« Une fois le crâne trouvé, nous avons recueilli une dizaine de dents dont certaines contenaient de la pulpe dentaire », explique le Pr Michel Drancourt, directeur adjoint de l’IHU Méditerranée infection, à Marseille. Son équipe de paléomicrobiologistes est spécialisée dans la recherche de microbes dans le matériel ancien. Elle a notamment confirmé que la peste noire qui a sévi en Europe au XIVe siècle était bien due à Yersina pestis. « La pulpe dentaire est un matériau de choix, continue le Pr Drancourt. Richement vascularisée, elle conserve la mémoire de ce qu’il y avait dans le sang au moment du décès. »

Trois approches consécutives

Pour l’analyser, l’équipe a extrait l’ensemble de l’ADN présent dans la pulpe et y a recherché des séquences spécifiques de pathogènes connus (approche métagénomique). Puis elle a analysé les protéines présentes dans la pulpe afin d’y dénicher d’éventuelles protéines microbiennes, une approche « paléoprotéomique » mise au point par l’équipe marseillaise. Ces démarches « ouvertes » ont conclu à la présence d’une seule bactérie dans le sang : un staphylocoque doré. L’observation a été confirmée par une PCR qui a recherché, de façon dirigée, des fragments connus d’ADN de staphylocoque doré… et les a trouvés.

« Il est donc plus que probable qu’une septicémie à staphylocoque doré ait emporté le Caravage », conclut le Pr Drancourt. Cette superinfection aurait été consécutive de blessures reçues par le peintre au cours d'une rixe à Naples, quelques jours avant sa mort, écrivent les auteurs dans l’étude.


Source : lequotidiendumedecin.fr