LES OISEAUX aquatiques sauvages, et en particulier les canards, sont des hôtes naturels des virus Influenzae de type A. Jusqu'en 2002, les virus étaient très rarement à l'origine d'infections pour ces animaux. Mais c'est cette année-là que les premiers décès liés des souches pathogènes H5N1 ont été recensés. C'est ce qui a conduit les autorités sanitaires des pays asiatiques à fonder leur surveillance de la circulation des virus hautement pathogènes sur la recherche de signes cliniques d'infection chez les canards sauvages et la volaille d'élevage. Or le travail publié dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine par l'équipe du Dr D. Julse-Post (Memphis) montre que des virus non pathogènes pour des canards peuvent se révéler hautement pathogènes expérimentalement pour d'autres espèces ; ce qui devrait conduire à revoir les procédures de surveillance virale.
Des souches isolées en 2003-2004.
Les auteurs ont en effet procédé à une inoculation virale, chez des canards sauvages, de souches du virus H5N1 qui avaient été isolées à la fin de 2003 ou au début de 2004 chez des volailles et des hommes atteints. Dans 50 % des cas, les virus se sont révélés pathogènes pour les canards. Ces virus étaient tous de génotype Z ; mais l'autre moitié des animaux inoculés n'ont présenté aucun signe clinique de la maladie. Ils ont en outre excrété de façon particulièrement prolongée (dix-sept jours contre deux à cinq jours pour les virus isolés en 2002) des virus peu pathogènes pour les canards mais hautement pathogènes pour les volailles et les souris. Ces données suggèrent que les isolats H5N1 contenaient une population hétérogène de virus, hypothèse qui a été confirmée par l'analyse des séquences qui montre de multiples pics de doubles bases. Pour les auteurs, « le canard pourrait représenter un réservoir de virus H5N1 transmissible aux autres espèces d'oiseaux et, potentiellement, aux mammifères. Dans ces conditions, la surveillance passive des infections des oiseaux sauvages aquatiques devrait être remise en cause et des procédures de tests réguliers sur les canards devraient être mises en place afin d'évaluer avec plus de précision le risque de portage virale ».
Par ailleurs, les virus H5N1 récemment isolés se révèlent dotés de caractéristiques pathogéniques différentes de ceux détectés en 2002. Ces derniers, en effet, se répliquaient préférentiellement au niveau des cellules épithéliales du tractus intestinal alors que les nouveau virus H5N1 se multiplient dans les cellules de l'arbre respiratoire supérieur. L'excrétion virale cloacale particulièrement prolongée des virus 2003-2004 laisse penser que, dans les conditions environnementales rurales asiatiques, le risque de transmission à d'autres espèces, y compris aux hommes, pourrait être particulièrement élevé. « Ces nouvelles données devraient inciter à sacrifier l'ensemble des oiseaux sauvages et d'élevage dans un périmètre assez large autour des lieux d'épidémie car ils pourraient agir comme réservoir de sélection de souches non pathogènes pour les canards mais hautement pathogènes pour les volailles, voire les mammifères », suggèrent les auteurs.
Les données de la surveillance depuis 2003.
Mais les données de surveillance établies depuis 2003 en Asie ne vont pas dans le même sens que ce travail expérimental. A l'heure actuelle, il semblerait que les virus circulants soient encore tout à fait létaux pour les canards sauvages. Mais les auteurs avancent qu'un nombre minimal de passages chez le canard pourrait être nécessaire pour cette sélection virale particulière.
«Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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