«GLOBALEMENT, il est difficile de vacciner les adolescents, qui, étant peu souvent malades, ne consultent pas, et qui sont par ailleurs très peu réceptifs aux messages de prévention, rappelle le Pr Daniel Floret. L'idéal serait bien sûr de les vacciner dans leur milieu scolaire, mais cette approche ne paraît plus envisageable en France depuis la polémique sur la vaccination contre l'hépatiteB. Il est toutefois possible d'améliorer la situation actuelle, notamment en sensibilisant tous les praticiens à vérifier systématiquement le statut vaccinal de tout adolescent consultant pour quelque motif que ce soit, un certificat pour pratique sportive, par exemple.»
Hépatite B : l'exception française.
La situation en France en matière de vaccination contre l'hépatite B est très particulière et très préoccupante, «puisque nous avons quasiment arrêté de vacciner les adolescents depuis 1998 et que toute une tranche de la population arrive aujourd'hui dans la période de risque de contamination maximal sans être protégée. Or les données épidémiologiques récentes montrent que nous avions sous-estimé ce risque et que le nombre de porteurs chroniques du virusB est plus élevé que nous ne l'avions cru. Il nous faut donc absolument reprendre la main sur ce problème et “rattraper” les adolescents non vaccinés», insiste le Pr Floret, qui déplore à quel point des controverses franco-françaises ont pu marquer les esprits. «L'enjeu est important car le risque d'explosion des cas d'hépatiteB chez les adolescents est réel.»
Vaccin anti-HPV : une mise en place progressive.
Le vaccin contre le papillomavirus (HPV) est recommandé chez les adolescentes à l'âge de 14 ans. «Une recommandation un peu étroite, qui n'est pas facile à mettre en place», souligne le Pr Floret. Mais il fallait définir un âge qui ne soit ni trop précoce, car la durée de l'immunité conférée par le vaccin n'est pas encore connue, ni trop tardif, pour répondre à la nécessité de vacciner avant l'exposition au virus (le vaccin n'étant pas efficace chez les sujets déjà infectés). L'âge de 14 ans s'est ainsi imposé : ni trop tôt ni trop tard, les enquêtes montrant qu'à 14 ans environ 3 % des jeunes filles seulement ont déjà eu des rapports sexuels. Il faut ajouter à cela que la vaccination anti-HPV impose d'aborder la question de la sexualité, ce qui ne peut se faire aussi aisément à l'âge de 11 ou 12 ans qu'à 14 ans. Certes, d'aucuns soulignent qu'il aurait été plus simple de faire le vaccin anti-HPV en même temps que le rappel DT-polio de 11-13 ans. «Mais, outre la problématique liée à une vaccination trop précoce, l'absence d'interférences entre les différents vaccins n'a pas été démontrée (sauf pour le vaccin hépatite B). Un an après la mise à disposition de Gardasil, nous constatons que la vaccination se met progressivement en place. Dans la quasi-totalité des cas, elle se fait dans le cadre du rattrapage, la vaccination étant également recommandée entre 15 et 23ans, au plus tard un an après le début de l'activité sexuelle. L'acquisition des HPV intervient rapidement après les premiers rapports sexuels», précise le Pr Floret. Le vaccin n'est actuellement pas recommandé chez les garçons, même si cette approche semble logique d'un point de vue épidémiologique. Le vaccin est onéreux, et vacciner les adolescents des deux sexes doublerait les dépenses sans impact démontré sur l'incidence du cancer du col. De plus, le bénéfice individuel direct est très limité chez les garçons ; il s'agirait donc d'une vaccination purement altruiste, particulièrement difficile à mettre en place.
Éviter la coqueluche chez les jeunes adultes.
L'épidémiologie de la coqueluche s'est radicalement modifiée avec la vaccination : la maladie touche désormais préférentiellement les jeunes adultes, qui contaminent ensuite des nouveau-nés et nourrissons non encore vaccinés. Ainsi, dans plus de la moitié des cas de coqueluche du nourrisson, le contaminateur est l'un des parents, constat qui a d'ailleurs conduit à recommander la vaccination des jeunes adultes, futurs parents, mais aussi celle des adolescents entre 11 et 13 ans car cela permet de « couvrir » la période initiale de fécondité. «Il est ainsi préconisé de faire un rappel DT-polio-coqueluche à 11-13ans, et un rattrapage à 16-18ans de ceux qui n'auraient pas été vaccinés ou de ceux qui, hors recommandations, auraient eu leur rappel à 5-6ans. En France, cette recommandation n'est pas bien suivie, et près de 70% des adolescents ne sont pas protégés contre la coqueluche», déplore le Pr Floret.
Un risque de varicelle plus tardive.
En France, le choix a été fait de ne pas recommander la vaccination universelle contre la varicelle, car on sait qu'il faut une couverture vaccinale de plus de 90 % pour stopper la circulation virale et éviter de déplacer l'âge de la maladie.
«Mais un certain nombre d'enfants ont été vaccinés et nous risquons donc d'atteindre un taux de couverture vaccinale exposant à un déplacement de la varicelle vers l'âge adulte, avec des formes cliniques notoirement plus sévères. Il est donc aujourd'hui recommandé de vacciner entre 12 et 18 ans les adolescents n'ayant pas eu la varicelle dans l'enfance», rappelle le Pr Floret.
Un plan national d'élimination de la rougeole.
Pour répondre à l'objectif de l'OMS d'éliminer la rougeole en Europe d'ici à 2010, un plan national a été mis en place en France, qui vise un taux de couverture par deux doses vaccinales de 95 %. «Actuellement, le taux de couverture vaccinale, d'environ 83% à 2ans, s'élève à près de 94% chez les adolescents, mais dans plus de la moitié des cas une seule dose a été reçue. Il faut absolument que nous vérifiions à chaque occasion le statut vaccinal des adolescents afin qu'ils bénéficient in fine de deux doses de vaccin rougeole-rubéole-oreillons», précise le Pr Floret.
D'après un entretien avec le Pr Daniel Floret, hôpital femme-mère-enfant, Bron, et président du comité technique des vaccinations.
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