L'histoire naturelle
Artériopathie cérébrale héréditaire transmise sur un mode autosomique dominant, Le Cadasil (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy) est due à des mutations du gène Notch3 sur le chromosome 19. La localisation en 1993 (Tournier-Lasserve et coll.) du gène responsable a permis de préciser l'histoire naturelle de la maladie.
La maladie peut débuter par des crises de migraine avec aura, répondant à tous les critères diagnostiques de l'International Headache Society, en moyenne à 30 ans. Elles sont inconstantes puisqu'elles ne sont observées que chez 20 à 30 % des sujets symptomatiques et la fréquence des crises est variable (une à plusieurs crises par mois). Habituellement, la maladie se manifeste par la survenue, vers l'âge de 40 à 50ans, d'accidents ischémiques sous-corticaux, transitoires ou constitués, parfois associés à des troubles de l'humeur ou à des troubles cognitifs. Elle évolue progressivement vers une démence de type sous-cortical associée à un syndrome pseudo-lobulaire, des troubles de la marche et de l'équilibre (chez plus de 3 patients sur 4) après l'âge de 60 ans et une incontinence urinaire. Cette affection sévère conduit presque toujours au décès des patients, en moyenne vers l'âge de 60-70 ans. Au niveau individuel, la sévérité du tableau clinique de Cadasil peut apparaître extrêmement variable.
IRM
L'IRM cérébrale est essentielle au diagnostic. Chez les sujets symptomatiques, elle est toujours anormale et montre la présence d'hypersignaux sur les séquences en T2 ou Flair au sein de la substance blanche. Ces signaux ont une distribution symétrique, prédominent au niveau des centres semi-ovales, des régions périventriculaires, et s'étendent fréquemment à la substance blanche des pôles antérieurs des lobes temporaux. Ces anomalies sont associées à des lésions focales d'allure lacunaire au sein des mêmes régions ou des noyaux gris, bien identifiés en Flair ou sur les séquences pondérées en T1. Ces anomalies peuvent être observées avant le début des manifestations cliniques, chez des sujets totalement asymptomatiques. Les études histopathologiques montrent une pâleur myélinique diffuse et de multiples infarctus de petite taille au sein de la substance blanche et des noyaux gris cérébraux en rapport avec une artériolopathie cérébrale.
En microscopie électronique, la média des artères de petit calibre de la substance blanche et des méninges est épaissie par un matériel granulaire, éosinophile, non amyloïde, d'origine indéterminée au contact des cellules musculaires lisses. Ces anomalies pariétales ont été observées sur d'autres artères, en particulier musculaires et cutanées.
Diagnostic
Le diagnostic de Cadasil doit être évoqué en présence de crises de migraine avec aura, de troubles de l'humeur sévères et résistants, de petits infarctus sous-corticaux ou d'une démence sous-corticale, chaque fois que l'imagerie cérébrale, en particulier l'IRM, montre des anomalies diffuses de la substance blanche. L'enquête familiale est essentielle car elle permet de suspecter une origine héréditaire, même en présence de facteurs de risque vasculaire. Quant à la biopsie cutanée ou musculaire, elle représente parfois une aide importante au diagnostic, mais elle apparaît moins utile actuellement en raison de la plus grande sensibilité du test génétique, permettant de détecter plus de 90 % de mutations responsables. Néanmoins, le diagnostic différentiel avec les nombreuses affections neurologiques, parfois familiales, responsables de leucoencéphalopathies, est plus ou moins aisé (maladie de Binswanger, angiopathie amyloïde, Melas, leucodystrophies…).
Grande variabilité individuelle du pronostic
Bien que, dans la majorité des cas, Le Cadasil conduise au décès vers l'âge de 65 ans en moyenne, au niveau individuel, la sévérité du tableau clinique peut apparaître extrêmement variable d'un sujet à l'autre, parfois au sein d'une même famille. Un état grabataire a été retrouvé dès l'âge de 45 ans chez certains patients. A l'inverse, l'absence de tout déficit cognitif sévère ou de handicap fonctionnel est aussi observée après l'âge de 60 ans. Quatre observations, rapportées par H. Chabriat, A. Mourad, M.-G. Bousser et M. Levasseur, concernent, en effet, des patients âgés respectivement de 64, 69, 69 et 71 ans n'ayant pas développé de démence et ayant un état fonctionnel toujours préservé. Ces observations confirment la variabilité du phénotype clinique de Cadasil et montrent que le diagnostic de cette affection peut être envisagé chez des sujets âgés de plus de 60 ans n'ayant jamais eu d'accidents ischémiques cérébraux, en l'absence de tout handicap fonctionnel. Seules des manifestations neurologiques transitoires ont été rapportées par trois des patients ; pour deux d'entre eux, les malaises sont apparus d'origine migraineuse (sans céphalée dans un cas et migraine avec aura dans l'autre). L'examen neurologique était normal chez 3 patients sur 4 et tous les patients n'avaient aucun handicap sensoriel et un score MMS variant entre 27 et 30. Quant à l'examen neuropsychologique, il ne révélait qu'une atteinte modeste des fonctions supérieures exécutives et l'absence de démence. Enfin, malgré les corrélations rapportées entre l'étendue des hypersignaux de la substance blanche et les scores cognitifs ou de handicap dans Le Cadasil, ces observations illustrent l'impact fonctionnel parfois très limité au niveau individuel de ce paramètre d'imagerie. En pratique, ces quatre observations rappellent que le diagnostic de Cadasil doit être évoqué, malgré l'âge avancé des patients (ici, jusqu'à 71 ans), lors de manifestations neurologiques transitoires ou de signes neurologiques discrets, en présence d'anomalies de signal étendues en IRM au sein de la substance blanche. Une histoire familiale et la distribution des lésions affectant la substance blanche des lobes temporaux apparaissent évocatrices.
Propos recueillis auprès du Pr Hugues Chabriat, service de neurologie, Cervco (Centre de référence des maladies vasculaires rares du cerveau et de l'oeil, hôpital Lariboisière, Paris).
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