Dure semaine pour Jean-François Mattei, le tout nouveau ministre de la Santé et de la Famille !
A peine installé avenue de Ségur et désireux de calmer la grogne des médecins généralistes, il a entrepris de recevoir, sans délai, leurs représentants syndicaux afin de les assurer que la promesse faite par le président de la République, pendant la campagne, de revaloriser la consultation à 20 euros serait tenue. Mais son souci de respecter les partenaires sociaux et les prérogatives de la Caisse nationale d'assurance-maladie en matière de tarifs a donné lieu à quelques « couacs » de communication, provoquant des agacements aussi bien du côté des syndicats que des caisses d'assurance-maladie.
Mercredi 15 mai, 14 h 30, Caisse nationale d'assurance-maladie
Le président de la CSMF, le Dr Michel Chassang, sort de cinq heures de discussions avec les caisses d'assurance-maladie au terme desquelles un accord est conclu pour ouvrir des négociations en vue d'une nouvelle convention. Il rappelle cependant qu'il pose toujours deux préalables à la poursuite des discussions : le C à 20 euros et l'arrêt des procédures engagées contre les médecins pratiquant déjà ce tarif. « Je vais de ce pas demander au gouvernement de nous aider à franchir cette étape », déclare-t-il alors.
Mercredi 15 mai, 16 h 30, avenue de Ségur
Après une heure d'entretien avec le ministre de la Santé, le Dr Chassang ressort satisfait. « Les engagements du président Chirac seront tenus et le problème résolu dans les quinze jours », explique-t-il aux nombreux journalistes présents, rapportant en substance les paroles de Jean-François Mattei. Prudent, il indique toutefois que son organisation maintient son appel à la grève des gardes durant le week-end de la Pentecôte.
Informé par un « urgent » de l'AFP de 16 h 51, le délégué à la santé du Parti socialiste, le Dr Claude Pigement, appelle aussitôt les rédactions. Il regrette que « l'annonce de M. Mattei court-circuite les compétences de la CNAM » à qui il revient normalement de négocier les tarifs d'honoraires.
Mercredi 15 mai, 17 heures
Interrogé, le ministère refuse à ce moment-là de confirmer la teneur de l'entretien, et se contentent de répondre que les déclarations du président de la CSMF n'engagent que lui.
Vers 17 heures également, la CNAM, interloquée par cette annonce, appelle à son tour les journalistes. Elle fait savoir que l'entourage du ministre lui a assuré « que les propos qui avaient été prêtés à celui-ci n'étaient pas ceux qu'il avait tenus ». La confusion s'installe.
Mercredi 15 mai, vers 18 heures, la confusion s'aggrave lorsque le Dr Pierre Costes, président de MG-France ressort à son tour de son entretien. Il n'a visiblement pas entendu la même chose. « La consultation à telle valeur, à telle date, je n'ai pas entendu ça comme ça. Le C à 20 euros à telle date, il ne nous l'a pas dit », déclare-t-il. Le ministre de la Santé aurait au contraire « renvoyé (cette revendication) au dialogue conventionnel, ne pouvant pas lui même fixer le tarif », précise le Dr Costes, qui ajoute qu'il « va prendre rendez-vous avec la CNAM la semaine prochaine ».
Vers 19 heures, Jean-François Mattei publie un bref communiqué destiné à remettre les pendules à l'heure : la consultation à 20 euros est, selon lui, toujours « légitime » mais doit être examinée par la négociation sans porter « atteinte aux responsabilités des parties conventionnelles » (syndicats et caisses).
Le Dr Michel Chassang maintient toutefois ses déclarations et réaffirme que le ministre lui a promis de régler le problème dans les quinze jours.
La difficulté réside principalement dans le fait que la CSMF n'est pas signataire d'une convention avec l'assurance-maladie et son président n'entend pas laisser à MG-France le soin de négocier seul cette revalorisation avec les caisses et du coup d'en tirer tous les bénéfices.
La CSMF souhaite donc des négociations avec tous les syndicats pour préparer une nouvelle convention. Le lendemain, le Dr Chassang affirmera au « Quotidien » qu'une solution pour surmonter les obstacles techniques de la revalorisation « pourrait être la parution d'un décret augmentant de manière temporaire, le taux de remboursement des cotisations, ce qui permettrait aux médecins de prendre le C à 20 euros sans que les patients soient pénalisés ».
Enfin, la coordination nationale des médecins généralistes, qui n'a pas été reçu par le ministre, estime que « malgré toutes les péripéties de la journée, rien n'est changé » et brandit à nouveau sa menace de déconventionnement massif des médecins, département par département (lire en page 5).
Jeudi matin, 9 heures, avenue de Ségur
Alors qu'il reçoit les représentants de la Fédération des médecins de France (FMF), le ministre de la Santé tient à peu près le même langage « sans se prononcer sur les échéances », précise le président de la FMF, le Dr Jean-Claude Régi. Lequel note toutefois que Jean-François Mattei a manifesté « une volonté réelle de faire avancer nos revendications ». D'ailleurs, dans un entretien accordé au quotidien économique « Les Echos » paru le jour même, Jean-François Mattei s'explique : « Je ne renie pas ce que j'ai dit, mais cela passe par le dialogue social. Je souhaite que les fils du dialogue soient renoués et resserrés entre les professionnels de santé et la CNAM. »
Il se hasarde cependant à fixer une nouvelle fois des échéances en indiquant qu'un « signal fort pourra être donné avant le 9 juin pour autant que chacun y mette du sien. C'est un acte de confiance mutuelle ».
Le ministre des Affaires sociales, François Fillon, bien que cela ne relève pas de son domaine de compétence, confirme sur Europe 1. Il annonce que la revendication des médecins généralistes « sera satisfaite avant l'été ».
Interrogé sur le coût d'une telle mesure, Jean-François Mattei qui est chargé également de l'équilibre de l'assurance-maladie, tempère : « Cela coûtera 250 millions d'euros. Mais ce peut être le prix d'un nouveau climat. » « Le Parisien » annonce pourtant dans son édition du même jour que le déficit de l'assurance-maladie en 2002 pourrait être beaucoup plus important que prévu et atteindrait entre 4,2 et 5 milliards d'euros, soit plus du double des dernières estimations de la commission des comptes de la Sécurité sociale chiffrées à 2 milliards d'euros.
Jeudi, 10 h 46
Dans une déclaration à l'AFP, la CSMF, apparemment excédée, en appelle au Premier ministre pour « mettre de l'ordre et nous fixer le calendrier et la voie que le gouvernement compte suivre, car les médecins ne supporteront pas d'être menés en bateau ». Son président, le Dr Michel Chassang, qualifie de « cafouillage gouvernemental » les différents propos tenus par Jean-François Mattei et François Fillon. « Nous avons besoin d'éclaircissements et d'avoir une lisibilité dans l'avenir », a-t-il ajouté.
Jeudi, 16 heures, avenue de Ségur
A la sortie de son entretien avec Jean-François Mattei, le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) estime avoir obtenu les clarifications nécessaires. Le ministre aurait confirmé la volonté de ce gouvernement de concrétiser l'engagement de Jacques Chirac de porter la consultation à 20 euros. « Il reste à faire en sorte que les syndicats médicaux, les caisses et le gouvernement trouvent ensemble les voies les plus adaptées pour mettre en uvre cette revalorisation et ce dans le cadre d'une relance des négociations conventionnelles, explique le Dr Cabrera, ce que d'ailleurs nous avions souhaité », (SML) a également profité de son entretien avec le ministre pour réclamer par la même occasion la revalorisation de la consultation des pédiatres qui font partie des spécialistes les plus mal lotis.
Epilogue provisoire : « Le gouvernement a bien l'intention de mettre en uvre les promesses de Jacques Chirac. Il ne veut pas contourner la CNAM mais passera outre si jamais celle-ci fait des difficultés », commente un observateur pour qui la situation paraît désormais parfaitement claire.
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