Le syndrome de burn out, propre aux professions impliquées auprès de la population, « est particulièrement aigu » chez les médecins libéraux de Champagne-Ardenne, selon une étude commandée par l'union professionnelle de la région.
L'auteur de cette étude, Didier Truchot, maître de conférences en psychologie sociale à l'université de Reims et membre de la Société européenne de psychologie de la santé, avait déjà mené une enquête semblable pour le compte de l'union régionale des médecins libéraux de Bourgogne (« le Quotidien » du 23 janvier 2002). Il a interrogé en juillet 2002 la totalité des médecins libéraux de Champagne-Ardenne et obtenu un taux de réponse de 18,5 %. Les 408 questionnaires exploitables ont été remplis par des médecins dont le profil type est celui d'un homme (à 80 %), généraliste, urbain et n'exerçant pas seul (à 60 %).
L'auteur distingue trois dimensions dans ce syndrome psychologique : « l'épuisement émotionnel » (stress, perte d'entrain et de motivation au travail), la « dépersonnalisation » (attitudes impersonnelles, négatives, détachées et cyniques envers les patients) et « l'accomplissement personnel réduit » (diminution de l'estime de soi). En Champagne-Ardenne, Didier Truchot note que « l'épuisement émotionnel et la dépersonnalisation sont singulièrement élevés », quoique « les médecins maintiennent un accomplissement personnel, qui, sans être élevé, ne diffère pas dans l'ensemble de celui des autres professions » (infirmiers, travailleurs sociaux, aides-soignantes, pompiers). Il relève aussi que certains médecins « ne semblent pas ressentir ce sentiment d'usure ».
Le burn out varie selon le sexe et le mode d'exercice. « Les femmes ont un plus faible épuisement émotionnel et elles dépersonnalisent moins leurs patients », explique Didier Truchot dans son étude. « Les généralistes ont un moindre accomplissement personnel que les spécialistes. Les médecins ruraux tendent à être plus épuisés émotionnellement et à ressentir un faible accomplissement personnel. » Ces derniers auraient tendance « à entretenir des relations plus conflictuelles, tendues, avec les patients », ajoute Didier Truchot.
La surcharge de travail, le manque de temps consacré aux patients, la pression administrative et la fiscalité font partie des « situations de stress ». Néanmoins, l'étude relève que ce sont d'autres « stresseurs », moins fréquents et liés à la relation médecin/patient(e), qui pèsent davantage dans le burn out : cas complexes, manque de respect et de compliance, voire harcèlement de la part des patients.
Le burn out a un impact sur l'orientation de carrière. « A l'entrée dans la profession, deux orientations dominent : l'artisan et l'activiste. Après quelques années d'exercice, les égoïstes sont de plus en plus nombreux. Cette orientation gagne du terrain chez les plus jeunes », résume Didier Truchot.
L'étude de Didier Truchot menée en Champagne-Ardenne va plus loin que celle réalisée précédemment en Bourgogne, puisque, pour la première fois, elle mesure aussi l'influence du burn out sur les prises de décision des médecins libéraux, en particulier celles des généralistes. Un fort épuisement émotionnel incite à choisir moins souvent les solutions très coûteuses (aide et soins à domicile) et davantage les solutions peu coûteuses (moyen-séjour, foyer-logement...) ou qui traduisent un désinvestissement (maison de retraite, long-séjour, placement d'office).
Pour en savoir plus : http://www.upml.fr/champagne-ardenne/index.html
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