Le budget de la Sécurité sociale devant le conseil des ministres

Publié le 07/10/2003
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En présentant ce matin en conseil des ministres, puis devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, Jean-François Mattei sait qu'il commence un nouveau parcours du combattant.

Le moins que l'on puisse dire en effet, est que ce budget de la Sécu, dont les grandes lignes ont été dévoilées le 23 septembre, n'a convaincu aucun des principaux acteurs concernés : ni les professionnels de santé, ni l'assurance-maladie, ni les mutuelles. Tous ont souligné le manque d'ambition et/ou de cohérence de ce texte.
Pourtant, le gouvernement avait bien tenté de déminer le terrain en précisant que ce PLFSS 2004 n'anticiperait pas sur la réforme en préparation, pour laquelle une phase de concertation de plusieurs mois a été ouverte dès la rentrée. Même modestie dans l'affichage : les mesures décidées à l'issue d'arbitrages pourtant délicats ne visent qu'à « stabiliser » en 2004 le déficit historique de l'assurance-maladie attendu en fin d'année (10,6 milliards d'euros). Mais cette prudence dans l'annonce n'a pas eu l'effet de baume espéré. Au contraire : loin de rassurer, le PLFSS 2004 n'a fait qu'alimenter le débat sur la réforme et, in fine, exacerber les tensions dans le secteur.

Rustines

« Maigres rustines », « recettes de poche », « économies de bouts de chandelle », « variables d'ajustement », « programme minimal », ont commenté les représentants des médecins libéraux mais aussi des PH dès l'annonce du PLFSS qui prévoit, entre autres mesures, la hausse du forfait hospitalier, la baisse du taux de remboursement de l'homéopathie, l'augmentation de la taxe sur la promotion des laboratoires ou une nouvelle flambée des prix du tabac, dont on sait d'expérience que les recettes programmées ne sont jamais à la hauteur des espérances. Seul le syndicat de généralistes MG-France a souligné, caustique, que « ne peuvent être déçus que ceux qui espéraient ». Certes, les médecins libéraux ont pu se réjouir du non-retour de tout mécanisme de régulation comptable ou de sanctions. Mais les économies attendues par le gouvernement de la diminution de la croissance des soins de ville et de la maîtrise dite médicalisée (800 millions d'euros en 2004) les ont laissés perplexes. Quant à l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), arrêté dans ce PLFSS à 4 % pour 2004 avec une ventilation provisoire de 3,2 % pour les soins de ville et 4,2 % pour l'hôpital, il a été accueilli fraîchement par les intéressés, faute de justification sanitaire.
Les gestionnaires de l'assurance-maladie ne se sont guère montrés plus enthousiastes. Le conseil d'administration de la CNAM a émis un avis général « défavorable » sur le projet de loi (CGT, FO, CFDT, CFTC, Mutualité), la délégation UPA émettant seule un avis positif et la CGC prenant acte. La CNAM a notamment souligné que, durant cette phase de concertation tous azimuts, « seuls les patients ou les titulaires d'un contrat de couverture d'assurance-maladie complémentaire supporteront la charge des mesures envisagées ». Des mesures qui, de toute façon, « ne sont pas à la mesure de la situation financière de l'assurance-maladie ».
La Mutualité française enfin, qui a posé depuis longtemps un diagnostic sévère sur l'organisation du système de soins et de protection sociale, a condamné les nouveaux transferts de charges de l'assurance-maladie obligatoire vers les mutuelles.
Durablement fragilisé par la catastrophe sanitaire de l'été, le ministre de la santé devra donc déployer des trésors de pédagogie pour convaincre sur le dossier explosif de la Sécurité sociale. Dans l'ombre, Matignon a déjà repris le dossier en main. Le Premier ministre inaugurera lundi prochain (13 octobre) le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie.

Cyrille DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7399