Les députés poursuivent aujourd'hui l'examen en première lecture du PLFSS 2004, avec, en toile de fond des débats parfois très vifs, le déficit record de l'assurance-maladie, les moyens de le résorber ou du moins de le contenir, mais aussi l'avenir du système français de protection sociale.
Victime d'une croissance atone qui tarit les rentrées de cotisations, et refusant d'augmenter cette année la CSG (une « solution de facilité »), Jean-François Mattei a réaffirmé, malgré les nombreuses critiques à gauche mais aussi à droite, « l'ambition » de ce budget disparate au service d'un objectif unique : « La sauvegarde de notre Sécurité sociale ».
« Colmater » avant de « moderniser »
Très inquiet de la « dégradation des comptes », le ministre de la Santé a clairement réaffirmé la stratégie du gouvernement : d'abord « remettre de l'ordre » et « colmater les brèches » avant de moderniser le système en profondeur et, éventuellement, envisager de « nouvelles recettes » l'année prochaine. Remettre de l'argent dans un tonneau percé est inutile, a-t-il martelé.
Pour « préparer l'avenir », Jean-François Mattei veut s'attaquer partout aux « abus injustifiables », aux « gaspillages injustifiés » et à la « non-qualité que tolère, ou même qu'encourage parfois, notre système de soins et d'assurance-maladie ». C'est, selon lui, l'enjeu de ce projet de loi. A l'hôpital, le gouvernement attend que le passage progressif à tarification à l'activité dans les disciplines de court séjour, mesure la plus forte de ce PLFSS qui suscite craintes et interrogations multiples, permette enfin une « allocation efficiente des ressources », quand la dotation globale a montré ses limites et ses effets pervers . En ville, le gouvernement a érigé la maîtrise médicalisée en « devoir prioritaire » avec une panoplie de mesures comme la possibilité pour les URCAM de passer des contrats avec des groupes de professionnels de santé libéraux (avec à la clé une régulation des dépenses), la simplification des dispositifs d'incitation aux bonnes pratiques ou encore l'expérimentation du dossier médical partagé « dans quatre régions aux minimum » en 2004 . Le gouvernement veut également trouver une porte de sortie sur la question très sensible du contrôle des dépenses des patients en ALD, qui représentent plus de la moitié des dépenses remboursées.
Les Vert : « Pilules amères » avant le « remède de cheval »
Malgré ses talents de pédagogue et une maîtrise technique parfaite des dossiers qu'il défend, le ministre de la Santé peine à convaincre, compte tenu de la gravité de la dégradation des comptes.
Encore peu audible sur les sujets de protection sociale, l'ancienne gauche plurielle se retrouve pour étriller le texte sur le thème de la « privatisation rampante » et de la « pénalisation financière » des patients. Le PS dénonce une « politique de fuite en avant » consistant à « laisser filer les déficits pour mieux justifier l'ouverture à l'assurance privée ». Pour le parti de François Hollande, « les seules mesures d'économies contenues dans ce texte touchent les assurés sociaux ».
Les Verts entonnent le même refrain. Pour Marie-Hélène Aubert, leur porte-parole, « les économies et les recettes nouvelles proposées apparaissent bien injustes et dérisoires vu l'ampleur des enjeux ». Et de citer les « déremboursements mal ciblés » ou la hausse du forfait hospitalier qui « toucheront surtout les plus démunis pour un gain quasi nul ». Bref, il s'agirait d'autant de « pilules amères » qui précèdent le « remède de cheval de l'assurance privée après les élections ».
Les députés communistes sont encore plus remontés. Pour leur président de groupe à l'assemblée nationale, Alain Bocquet, le PLFSS 2004 s'inscrit carrément dans une logique de « casse généralisée » des protections sociales. Pour le député du Nord, l'évocation répétée du trou abyssal de la Sécu par le gouvernement vise à « faire progresser l'idée que l'assurance privée constitue la panacée ». Comme chaque année, le PC plaide pour une réforme des recettes : il propose de taxer les revenus financiers des entreprises et de réviser l'assiette des cotisations patronales.
La CSG déjà dans tous les esprits
A droite, la majorité UMP fera bloc même si, la plupart du temps, on défend ce projet de loi sans enthousiasme débordant. « Le PLFSS est en ligne avec les horizons de la réforme », a résumé Jacques Barrot, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, dans un entretien publié par « le Figaro ». L'ancien ministre des Affaires sociales a recensé « deux progrès majeurs »: la clarification des financements et la tarification à l'activité dans les hôpitaux. Pour un observateur, c'est le « service minimum ».
A l'UDF enfin, on n'excluait pas, en milieu de semaine, de s'abstenir sur le texte. Le vote sera décidé « en fonction des réponses du gouvernement » sur certains amendements, a aussitôt annoncé François Sauvadet, porte-parole du parti. « Soyons clairs, nous sommes déçus devant ce projet d'attente alors que la situation est difficile, a expliqué Jean-Luc Préel, porte-parole du groupe UDF sur le budget de la sécu. Or, personne n'est écouté ». Au sein du parti de François Bayrou, comme au PS d'ailleurs, on juge désormais inéluctable une augmentation de la CSG l'année prochaine. Une option que n'exclut pas Jean-François Mattei, mais « après que nous aurons remis le système en état de marche ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature