LA REFORME du régime complémentaire de retraite, l'avantage social vieillesse (ASV), qui représente aujourd'hui 39 % de la retraite totale des médecins, peut-elle mettre le feu dans le monde médical ?
Certains ne sont pas loin de le penser en tout cas.
Même du côté des syndicats signataires de l'actuelle convention, on met en garde le gouvernement contre une réforme qui pourrait réveiller les ardeurs contestatrices du corps médical.
Pourtant, il est vrai que la situation de ce régime de retraite est désastreuse. Il ne se passe guère de mois sans que l'on crie au loup lorsqu'on parle de la crise de l'ASV. Les derniers comptes de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) ont d'ailleurs montré que les réserves de l'ASV correspondaient à un an de prestations. Bien peu.
Nous voici, ou presque, devant l'échéance annoncée depuis des lustres. Malgré les augmentations de cotisations, on est aujourd'hui bien près d'une situation de non-paiement. D'où la volonté des pouvoirs publics de réformer ce régime.
Mais les solutions envisagées, dans le cadre du Plfss 2006, sont largement contestées par les médecins, qui craignent un désengagement de l'assurance-maladie dans la prise en charge des cotisations des médecins, ceux du secteur I, évidemment, et la rupture de l'engagement conventionnel qui existe depuis 1971. Les cotisations étant fonction de la valeur du C, la responsabilité de leur montant incombe donc aujourd'hui aux partenaires conventionnels, c'est-à-dire aux syndicats médicaux représentatifs et à l'assurance-maladie.
Or la réforme envisagée par le gouvernement dans le Plfss marque à cet égard un tournant, puisqu'il y est clairement indiqué que le montant de la fameuse cotisation d'ajustement créée par ce texte pour améliorer les finances de l'ASV serait fixé par décret, c'est-à-dire hors des discussions conventionnelles. De même, c'est un décret qui pourrait faire varier la valeur des points selon l'année d'acquisition et l'année de liquidation de la retraite. Ce qui pose d'ailleurs, à cet égard, le problème du respect du contrat et des droits acquis.
Réponses fortes.
Ainsi, on passe du champ conventionnel au droit réglementaire. Ce qui a valu au gouvernement quelques réponses fortes, et d'abord de syndicats non signataires de la convention, comme la FMF, qui parle de provocation et d'un projet « préfigurant la rupture du contrat conventionnel initial qui a mis en place l'encadrement des honoraires ». MG-France va encore plus loin, en affirmant que « sortir l'ASV du champ de la négociation conventionnelle libérerait les médecins du secteur I de l'opposabilité des tarifs. Cela aboutirait à la généralisation de la situation des médecins du secteur II qui ne bénéficient pas de l'ASV ». En filigrane, évidemment, la menace d'une liberté tarifaire « sauvage » appliquée par les généralistes et les spécialistes du secteur I.
On en n'est pas là, même si, en l'occurrence, la FMF et MG-France sont presque sur la même longueur d'onde, bien que leurs propositions sur l'avenir de l'ASV diffèrent considérablement. Le gouvernement s'efforce malgré tout de calmer les esprits. C'est ainsi que Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, lors de la présentation du Plfss, a tenu à affirmer que le gouvernement ne voulait pas remettre en cause le principe de la prise en charge des cotisations de l'ASV par l'assurance-maladie. « Cette régle, a-t-il dit, nous y sommes attachés, car elle marque le principe que la convention est une opération gagnante pour la collectivité, gagnante pour les professionnels et gagnante pour l'assurance-maladie. » Encore faut-il que ces déclarations soient confirmées par les faits.
Et Michel Chassang, que l'on sait pas trop éloigné des déclarations ministérielles, a pris la précaution de suggérer un amendement dans lequel il est clairement indiqué que « les caisses d'assurance-maladie participent au financement de cette cotisation » (d'ajustement) dans les mêmes conditions prévues pour les cotisations habituelles des médecins du secteur I. Et « n'oublions pas, précise le président de la Csmf, qui rejoint dans cette analyse les autres organisations syndicales, que cette prise en charge résulte du contrat conventionnel ».
Le message est lancé au gouvernement et aux parlementaires qui vont examiner à partir du 25 octobre le Plfss 2006. Reste à savoir s'il l'entendra. Il y aurait intérêt.
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