Cinquante-huit hectares s'étirant en un long ruban large de 80 à 500 mètres, environ 200 habitants auxquels il convient d'ajouter 120 000 touristes annuels, une liaison quotidienne par bateau, une alimentation en eau potable assurée par une unité de dessalement de l'eau de mer unique en France, un climat océanique rudement sain ou sainement rude, c'est selon, « l'île de Sein, c'est le paradis terrestre », parole du Dr Ambroise Menou, 56 ans, généraliste fraîchement débarqué avec sa femme à la fin du mois de septembre dernier.
Tranquillité et sérénité
Quand Ambroise Menou est venu s'installer sur l'île de Sein, cela faisait environ deux ans que le cabinet médical était occupé à temps partiel par des médecins remplaçants, depuis le départ à la retraite du précédent praticien. « Pendant ces deux années, explique le maire de l'île, Alain Le Roy, on a eu toutes sortes de médecins remplaçants pour nous aider, mais nous étions à la recherche de l'oiseau rare, capable de s'adapter à la vie insulaire. » L'oiseau rare, ce fut Ambroise Menou : « Cela faisait 26 ans que j'exerçais à Gouesnou, près de Brest, et je commençais à me sentir un peu désabusé ; rien ne m'a chassé de Gouesnou, mais j'avais envie de changer d'air. »
Aussi, quand Ambroise Menou entend parler d'un cabinet médical sur l'île de Sein, il hésite d'autant moins que sa femme le pousse à accepter. Il faut dire que le conseil général et la mairie n'ont pas lésiné sur les moyens pour attirer un médecin : « Le conseil général est propriétaire des murs du cabinet médical ainsi que de l'appartement situé au-dessus, et tout a été mis gratuitement à la disposition du médecin, sans compter une prime d'insularité d'environ 15 000 euros par an, précise Gilbert Monfort, vice-président du conseil général du Finistère ; nous faisons cela au nom du principe de la continuité territoriale, qui veut que les citoyens ne doivent pas être pénalisés par le fait d'habiter une île. Et puis j'allais oublier de dire que nous avons entièrement remis à neuf l'ensemble du bâtiment, pour un budget d'environ 155 000 euros.Pour nous, cette opération est une réussite totale. Quant au maire, son travail a été déterminant puisqu'il a réussi à trouver le médecin, ce qui n'était pas le plus facile. »
Ce que confirme Alain Le Roy, qui ne s'est jamais résigné à l'idée d'un médecin intermittent, venant sur l'île à dates fixes : « Car il ne faut pas non plus oublier que 70 % des habitants de l'île ont plus de 65 ans. »
Quant à Ambroise Menou, il ne regrette pas une seconde sa décision : petit-fils d'un habitant de l'île, il est enchanté de l'accueil que lui a réservé la population autochtone : « Etre d'ici, cela a incontestablement facilité mon installation, mais franchement, nous avons été très bien acceptés. » Un état d'esprit que le maire traduit ainsi : « Il est de la même ethnie que nous et il nous apporte tranquillité et sérénité. » Un avis partagé par la propriétaire du bar « Chez Brigitte » : « C'est vraiment très important de l'avoir chez nous. Ici, on dit que le poste allait être supprimé, ce qui, sûrement, aurait fait péricliter l'île. En plus, il est super-sympa, ça fait plaisir de l'avoir. »
Un médecin qui ne chôme pas
Il n'en reste pas moins que, paradoxalement, le Dr Menou n'a pas le temps de chômer : outre ses consultations, il est évidemment d'astreinte tous les jours de l'année et doit aussi organiser les évacuations sanitaires par hélicoptère ainsi que la médicalisation des sauvetages en cas de naufrage. De plus, comme l'île ne dispose pas de pharmacie, il fait lui-même office de pharmacien, ce qui lui assure un complément de revenus. « Au creux de l'hiver, il peut m'arriver de n'avoir que deux consultations par jour, et les quelques rares visites que je peux avoir à faire, je les fais à pied ou à vélo. Mais durant les périodes estivales, les consultations vont bon train. En fait, j'ai plus de travail que je ne croyais, et pour tout vous dire, j'étais un peu venu dans l'idée d'entamer ici une cessation progressive d'activité ; et en fin de compte, je suis tout à la fois médecin, infirmier, pharmacien et même parfois vétérinaire ! » En effet, seul professionnel de santé sur l'île de Sein, Ambroise Menou doit lui-même effectuer les soins infirmiers qu'il prescrit et il soigne les animaux de compagnie vivant sur l'île. « Une fois, même, j'ai été appelé en urgence pour un chat ; heureusement qu'il n'y a pas de bétail sur cette île ! »
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, à un petit détail près : le Dr Menou étant perpétuellement d'astreinte, il ne peut pas quitter l'île et aimerait bien, de temps à autre, s'évader pour aller faire un tour sur le continent. « Si des confrères sont intéressés par des remplacements, qu'ils m'écrivent, mon adresse est facile à retenir : Dr Ambroise Menou, 29990 île de Sein. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature