SI L’ON EN JUGE par le cri de triomphe poussé lundi matin par les syndicats juste après la déclaration de Dominique de Villepin annonçant le « remplacement » du CPE, le conflit devrait être terminé. La bataille étant remportée par les organisations syndicales, on ne voit pas pourquoi elles la poursuivraient contre un ennemi qui est à terre.
C’est sans compter avec les étudiants et lycéens : ils réclament aussi l’abrogation du CNE (contrat nouvelle embauche), qui existe depuis des mois, est entré en vigueur et a produit plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
Rien de réjouissant.
On regrette que les étudiants veuillent ainsi pousser leur avantage, d’autant qu’ils seront les premières victimes du désordre, si toutefois ils parviennent à le prolonger. On verra dans leur attitude peu responsable une sorte de redécouverte du bonheur de protester, comme il y a trente-huit ans, et un goût du risque : le président des universités avait indiqué la semaine dernière que lundi 10 avril était le dernier jour pour la reprise des cours si l’on voulait sauver les examens de cette année. En même temps, il avait rendu le gouvernement responsable des désordres qui mettaient en danger les mêmes examens. On peut lui répondre aujourd’hui qu’il lui appartient de convaincre les étudiants qu’ils doivent cesser leur mouvement et, surtout, ne pas empêcher de travailler ceux qui le souhaitent et ont déjà manifesté à plusieurs reprises contre le blocage des établissements de l’Education nationale.
De sorte qu’on ne peut pas vraiment se réjouir de l’abandon du CPE par le gouvernement : on n’est pas sûr en effet que l’ordre revienne et que la France se remette au travail. Pour le reste, le bilan de ce long conflit est négatif : d’abord, il y a eu un malentendu sur le CPE, qui n’était même pas destiné à ceux qui se sont révoltés contre la mesure ; ce malentendu a ensuite été aggravé par un terrible défaut de communication entre le gouvernement et ses administrés ; puis, Dominique de Villepin s’est entêté et a exercé un chantage sur le président en évoquant sa démission ; ce qui a abouti au discours désastreux prononcé par M. Chirac le 31 mars. Un texte incohérent, donc incompréhensible.
LA GAUCHE PRETE A REVENIR AU POUVOIR DOIT DIRE COMMENT ELLE COMBATTRAIT LE CHOMAGE
L’unité de la gauche.
La droite sort très affaiblie du conflit (pour autant qu’il soit terminé) ; la conduite personnelle de M. de Villepin a été jugée arrogante par bon nombre de Français, celle de l’exécutif illogique et obscure ; la majorité a réussi à refaire l’unité de la gauche et celle des syndicats. Cela réduit encore les chances de la droite de gagner aux élections de 2007, ce qui nous paraît désormais très improbable, même si Nicolas Sarkozy est le candidat de la droite. Enfin, l’affaire du CPE suit des événements déjà alarmants, comme le « non » au traité constitutionnel européen, premier acte de défi d’un peuple français qui en a ensuite accompli d’autres, mais a suffi à montrer que les Français, pour lutter contre les effets de la mondialisation, se contentent de la rejeter par la parole, bien qu’ils en subissent les effets.
Un deuxième « non ».
Le « non » au CPE relève de la même illusion : nous n’avons pas vu ce qu’il y avait d’urgent et de nécessaire dans les dispositions de l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances ; nous sommes convaincus que le texte aurait dû être négocié avec les syndicats qui, cette fois, ne cherchaient nullement à remporter une victoire politique contre le gouvernement et semblaient sincèrement consternés par la méthode Villepin. Cela dit, le droit du travail actuel ne permet plus de créer des emplois sans un fort taux de croissance et il est de la responsabilité des syndicats, comme de celle du gouvernement, de participer activement à une réforme du recrutement. Nous l’avons déjà écrit, le seul moyen de créer des emplois aujourd’hui, c’est de répartir les risques et les avantages entre tous, ceux qui ont un emploi et ceux qui le réclament. Cela implique des sacrifices que les employés bénéficiant des droits liés à leur ancienneté (congés, RTT, indemnités de licenciement et primes d’ancienneté) devront consentir. Si le coût d’un salarié ancien diminue, l’entreprise verra moins d’inconvénients à embaucher une nouvelle personne.
Bien entendu, le gouvernement n’oserait jamais proposer une telle réforme : mais dès lors que les syndicats n’ont pas l’intention de soviétiser l’économie, ils comprendront peut-être un tel langage, auquel ils apporteront leurs bémols et, plus tard, leur onction. Et puisque d’aucuns prônent la « démocratie de la rue », qu’ils apportent leur contribution ; qu’ils ne restent pas silencieux après trois mois de désordres et de casse ; qu’ils ne se contentent pas de continuer à manifester, comme les lycéens et étudiants, car ça, c’est le plus facile ; que la gauche, qui a tellement hâte de gouverner, n’hésite pas à dire, ici et maintenant, quelle est sa martingale.
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