La fermeté du gouvernement face aux manifestations contre la réforme des retraites est surprenante. On ne sait pas si elle cache une fragilité interne ou si Jean-Pierre Raffarin ira au bout de son projet quoi qu'il en coûte.
Car s'il y va, il en coûtera. Certes, François Fillon a obtenu la signature de la CFDT, dont la cohésion interne est elle-même menacée par l'agitation des militants qui ne sont pas du tout d'accord avec leur chef. Certes, les manifestants - et plus particulièrement les enseignants - se sont livrés à un travail de désinformation qui en aura bouché un coin à ce grand communicateur qu'est M. Raffarin. Certes, l'autodafé du livre de Luc Ferry ne place pas les profs sous leur meilleur jour. Certes, Marc Blondel, le Monsieur niet du syndicalisme, n'envisage pas de grève générale. Certes, les alternatives à la réforme, toutes axées sur une taxation accrue, ne sont pas économiquement crédibles. Certes, il n'est pas sûr que ceux qui manifestent, aussi nombreux qu'ils soient, représentent une majorité. Mais enfin le Premier ministre est un peu dans la position où se trouvait Tony Blair il y a quelques semaines : il fait une politique rejetée par le plus grand nombre de ses concitoyens.
Une stratégie évidente
MM. Raffarin, Fillon et Ferry mettent en uvre une stratégie qui n'est pas secrète : ils estiment que la phase sociale du conflit est passée, que tout a été dit entre le gouvernement et les syndicats et qu'il appartient maintenant au Parlement de se prononcer. Quand M. Blondel refuse de « politiser » la crise, le gouvernement lui répond le contraire. Le mois de juin sera chaotique, la loi sera néanmoins adoptée et les vacances auront ensuite leur effet traditionnellement apaisant. A la rentrée, la réforme des retraites sera digérée.
C'est un plan que peuvent contrecarrer beaucoup d'événements. Trop heureuse de trouver un os à ronger, la gauche désunie se rassemble contre le projet, en rajoute sans vergogne, prend la tête des défilés. Depuis sa défaite, elle s'est radicalisée. Elle rejoint l'idée d'un financement des retraites par une taxation accrue du capital. Et d'ailleurs, Elisabeth Guigou rappelle que le gouvernement Jospin a créé à cet effet une taxe de 0,2 % sur tous les revenus. Le gouvernement précédent parlait d'une cagnotte de mille milliards de francs en 2020. C'est le même gouvernement qui a utilisé le produit de la CRDS, censée rembourser la dette nationale au titre des déficits de l'assurance-maladie, à d'autres fins budgétaires. Le fonds de retraite subira le même sort avant 2020 et, de toute façon, comme l'a expliqué François Fillon, le capital doit servir aux investissements, donc aux créations d'emplois, pas à payer les retraites. On ne peut pas continuer à augmenter indéfiniment le niveau des prélèvements obligatoires, il est déjà intolérable. Enfin, il n'y a pas que les retraites, il y a aussi la santé, et Jean-François Mattei ne peut plus écarter une hausse de la CSG pour combler les 10 milliards d'euros de déficit de l'assurance-maladie pour 2002 et 2003. En d'autres termes, la hausse des prélèvements accompagnera la prolongation des carrières, en dépit de la volonté du gouvernement de réduire les dépenses de l'Etat.
Pas d'alternative
La réforme des retraites est indispensable et inéluctable. Tous ceux qui préconisent de ramener le nombre des années de cotisations à 37,5 ans, de taxer le capital ou les revenus du capital, d'augmenter encore les dépenses de l'Etat proposent en fait la disparition à terme du régime par répartition. Tous ceux qui présentent leur vie professionnelle comme un enfer ont oublié les drames historiques que le pays a vécus plus récemment qu'ils ne le croient et que, ce qui compte, c'est moins la retraite que la hausse du niveau de vie et la disparition du chômage. Mais, pour gouverner, il ne suffit pas d'avoir raison. Il faut convaincre une majorité de Français.
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