LES 35 HEURES ? C'est bon pour nos conditions de vie personnelle, beaucoup moins pour nos conditions de travail.
Voici, en substance, ce qu'expliquaient les agents hospitaliers au début de l'année 2003, un an après que la réduction du temps de travail (RTT) avait fait son entrée à l'hôpital public. Des états d'âme recueillis à l'époque auprès de 750 personnes dans 17 établissements par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé et qui font aujourd'hui l'objet d'une publication (1).
Avec une année de recul, c'est un jugement à la tonalité « assez largement négative » que le personnel des hôpitaux portait sur la RTT, affirme la Drees (qui insiste cependant sur le fait qu'au moment de son enquête « l'ensemble des effets » des 35 heures n'était « pas encore perceptible »). Et ce qui faisait pencher la barque d'un côté plus que de l'autre était indubitablement le « manque d'effectifs ». Car bien qu'ils apprécient - sans « enthousiasme excessif », tempère la Drees - l'impact des 35 heures sur leurs conditions de vie, ils les considéraient avant tout comme bienvenues, « pour compenser l'intensification du travail ressenti par ailleurs ».
Un fossé existe de fait entre le temps libéré à l'hôpital par la RTT (10,25 % de la masse salariale, pour schématiser) et le nombre d'emplois « compensateurs » créés par l'Etat (45 000, soit 6 % environ de la masse salariale). Il semble ressenti de manière d'autant plus forte par les agents que plusieurs facteurs l'accentuent : la création des 45 000 nouveaux postes a été étalée sur trois ans, repoussant ses effets pleins au 1er janvier 2005 ; la distribution de ces postes n'a pas toujours été très lisible ( « au plan local, chaque hôpital a eu individuellement l'impression d'être victime d'arbitrages méconnaissant ses missions et ses mérites », note la Drees). Résultat : le sentiment général est que les conditions de travail sont, avec la RTT, « sensiblement plus difficiles ». La tâche s'intensifie et le stress accompagne le mouvement. Sur fond d'effectifs insuffisants, la durée des postes de travail s'est raccourcie, mais « la charge de travail est plus lourde pour assurer le même volume de soins ou d'activité », l'absentéisme s'est accru, « dû aux journées de RTT à prendre, qui induit une intensification de travail pour ceux qui restent ». Dans le détail, la diminution des « temps de chevauchement », surtout dans les services de soins, est particulièrement montrée du doigt dans la mesure où elle est perçue comme « un danger potentiel ». Difficile, quand les minutes font défaut, « d'assurer les transmissions d'informations entre équipes concernant tous les patients hospitalisés ». Pas évident non plus, en l'absence de contacts personnels suffisants entre équipes, de maintenir un « esprit de service et (de) convivialité dans le fonctionnement collectif ». Il arrive que « la qualité des soins et du travail » soit remise en cause, les agents estimant souvent que « les effectifs prévus sont à un niveau garantissant tout juste la sécurité », certains rapportant « qu'ils restent parfois seuls pour plusieurs secteurs, notamment aux extrémités de la journée en cas d'horaires décalés, et qu'ils sont souvent obligés de courir d'un malade à l'autre, au risque de "mal faire" ».
(1) Dominique Tonneau, « Où en était la réduction du temps de travail dans les hôpitaux publics au début de l'année 2003 », « Etudes et Résultats » n° 302, avril 2004.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature