LES CLICHÉS ONT LA VIE DURE et la médecine générale, jusqu'alors accessible aux « recalés » de l'internat, n'a pas conquis la faveur des candidats les mieux classés des épreuves classantes nationales (ECN).
A la faculté de médecine de Bichat, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, près de 350 étudiants sont attendus, ce vendredi matin pour choisir leur spécialité d'internat. Sonia et Étienne, originaires de Strasbourg, souhaitent poursuivre leurs études en Alsace, en spécialités médicales s'il reste des places. Julien le parisien veut faire chirurgie dans la région Rhône-Alpes. Il n'a pas de « plan B » mais une chose est sûre, il n'optera pas pour la médecine générale. Pour la première fois, les futurs internes vont effectuer leur choix en amphithéâtre. Un choix « éclairé » puisqu'ils auront connaissance des postes encore disponibles au moment de prendre leur décision.
Un regain d'intérêt pour la chirurgie.
Comme Sonia, Étienne et Julien, 1 037 étudiants les mieux classés aux épreuves classantes nationales (ECN) ont déjà décidé de leur future affectation. Parmi eux, ils sont très nombreux (510) à s'être précipités - sans surprise - sur les spécialités médicales. Les spécialités chirurgicales ont quant à elles suscité un regain d'intérêt chez les candidats puisque 185 des 360 postes mis au concours ont déjà trouvé preneurs, tandis que la pédiatrie (91 postes pourvus sur 105) et l'anesthésie-réanimation (81 sur 162) ont aussi connu un succès.
En revanche, les mots « médecine générale » n'ont été prononcés que 57 fois par les 1 037 premiers étudiants. Moins de 5,5 % des candidats, jeudi soir, avaient opté pour le nouveau diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale, pourtant unanimement accueilli cette année par les représentants syndicaux comme la reconnaissance de leur discipline.
Le Dr Michel Combier, président de l'Union nationale des omnipraticiens de France (Unof), constate que comme les années passées, les étudiants désirant un poste de spécialité médicale se sont démenés pour terminer bien classés. Au contraire, ceux qui se destinent cette année à la médecine générale n'ont pas eu « besoin de faire des exploits », étant presque assurés d'obtenir un poste. « Il est un peu tôt pour tirer des conclusions car seulement les 1 037 premiers ont fait leur choix. Mais on peut penser que 57 personnes ont tenu à faire de la médecine générale ; c'est une avancée », se rassure le Dr Combier.
Une lecture moins optimiste de ces chiffres tendrait plutôt à conclure que les meilleurs étudiants se désintéressent de la médecine générale. « Etre médecin de première ligne, avec toutes les contraintes de travail, d'horaires et de disponibilité poussent les internes à choisir une spécialité mois contraignante et mieux rémunérée », constate le Dr Pierre Costes, président de MG-France. Pour beaucoup, c'est l'inadéquation entre la formation universitaire des carabins et l'exercice de la médecine générale qui est en cause.
Pascale Marco, présidente de l'Intersyndicat national autonome représentatif des internes en médecine générale (Isnar-Img), déplore que les étudiants ne soient pas davantage confrontés pendant leur externat à l'exercice de la médecine générale. Au cours du deuxième cycle, un stage obligatoire en médecine générale est bien prévu par la loi mais, en pratique, ce stage n'est presque jamais effectué. « Les étudiants sont moins enclins à choisir une spécialité qu'ils ne connaissent pas », explique Pascale Marco. La médecine générale souffre également d'un manque de reconnaissance dans le monde universitaire. « Jusqu'à la sixième année d'études, très peu de cours sont donnés par des médecins généralistes, ces derniers n'ayant d'ailleurs pas le même statut de professeur que les professeurs spécialistes », relève la présidente de l'Isnar-Img qui réclame la mise en place d'une filière universitaire de médecine générale.
« Il manquera des candidats ».
Le choix en amphithéâtre de la spécialité d'internat se déroule pour l'instant sans anicroche, se dont se félicite l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), à l'origine de sa mise en place. Pour l'heure, la médecine générale est la grande perdante de la procédure. Une part importante des 1 841 postes de la discipline offerts aux candidats des ECN pourrait rester libre à la rentrée universitaire, ce qui pourrait augurer de perspectives démographiques alarmantes.
« A l'issue de la procédure de préchoix informatisée du ministère de la Santé, 573 postes de médecine générale n'ont pas été pourvus. Il faut s'attendre à ce que dans de nombreuses villes comme à Reims, Limoges, Saint-Étienne ou Dijon, on manque de candidats dans les services de médecine générale », annonce Pascale Marco. A Paris, plus de la moitié des 450 postes prévus pourraient ne pas être pris. Au contraire, dans certaines facultés comme à Montpellier ou à Brest, le nombre de candidats dépasse largement le nombre de postes proposés. Principale raison de ce déséquilibre démographique : une dérogation a été accordée cette année à tous les étudiants postulant à la médecine générale qui, s'ils sont classés en rang utile pourront rester dans leur faculté d'origine. « Cette dérogation va poser un grave problème local d'affectation des terrains de stage. Que va-t-on faire pour résoudre le manque d'internes en médecine générale ? », demande Guillaume Muller, président de l'Anemf. Pour le Dr Combier, la formation initiale des médecins n'est pas en phase avec les besoins de la société: « Ce problème doit interpeller le Collège national des généralistes enseignants (Cnge), les sociétés savantes et les syndicats de médecins généralistes ». Les étudiants appelés à choisir leur spécialité jusqu'au 30 septembre n'ont rien à craindre s'ils souhaitent faire médecine générale. Il reste de la place.
Le choix des étudiants |
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