Le Targretin® (bexarotène), traitement per os des lymphomes cutanés, pourrait voir s’ouvrir un nouvel avenir. En effet, des chercheurs de la Case Western Reserve University School of Medicine (Ohio) viennent de montrer que cette molécule, administrée à des modèles de souris Alzheimer, fait disparaître en quelques heures la protéine Beta amyloïde soluble et les plaques amyloïdes dans le cerveau des souris. De plus, le bexarotène semblerait également avoir amélioré la mémoire et le comportement des souris atteintes de la maladie d’Alzheimer. « Des observations d’autant plus intéressantes que le bexarotène est doté d’un bon profil de sécurité, évoque le Paige Cramer, co-auteur de l’étude. Ses principaux effets secondaires notamment l’hypertriglycéridémie et l’hypercholestérolémie, qui ont été observés dans le traitement des lymphomes cutanés, peuvent être résolus avec l’administration d’autres médicaments, comme les fénofibrates ».
Plaques beta amyloïdes réduites de 75% en 14 jours
Mais comment les scientifiques américains ont-ils eu l’idée d’avoir recours à cette molécule ? Tout débute en 2008, année durant laquelle ces chercheurs découvrent que le principal transporteur de cholestérol dans le cerveau, l’alipoprotéine E (ApoE) aide également à l’élimination des protéines bêta amyloïdes. Sachant que l’accumulation de ces dernières est liée à la maladie d’Alzheimer, l’équipe d’Ohio s’est donc mis en quête d’un moyen pour stimuler la synthèse d’ApoE. Or il existe des récepteurs stimulant cette synthèse : les PPAR et les LXR, eux mêmes activés par les RXR. Le bexarotène, étant un agoniste hautement sélectif des récepteurs RXR et déjà commercialisé, était donc susceptible de stimuler la synthèse d’Apo E, qui, elle dégrade les protéines bêta amyloïde.
La théorie s’est avérée exacte en la testant sur des modèles murins de souris atteintes d’Alzheimer. En quelques heures, les taux de protéine beta amyloïde soluble dans l’hippocampe et le cortex ont diminué de 30%. En trois jours, les plaques beta amyloïdes ont été réduites de moitié, puis de 75% en 14 jours. « Cet effet sur les plaques amyloïdes a déjà été observé chez l’animal, notamment avec un candidat vaccin thérapeutique qui a malheureusement montré des effets secondaires type réaction croisées et encéphalites. Mais cette fois ci, le traitement par bexarotène a l’avantage d’être administré par voie orale et d’agir très rapidement », commente le Pr Bruno Dubois (institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer, Hôpital La Salpêtrière, Paris). Cela étant dit, il faut relativiser : « il reste à montrer que cet effet existe chez l’homme et que la molécule améliore effectivement la maladie », avance le neurologue.
Scepticisme du Pr Bruno Dubois
Dans l’étude de l’équipe d’Ohio, le bexarotène a amélioré la cognition et la mémoire (test du labyrinthe) des animaux après 7 jours de traitement, ainsi qu’après 3 mois de traitement. Sur un des modèles murins utilisés, la molécule a aussi permis aux souris de retrouver après 3 jours de traitement leur instinct de construire un nid, aptitude qu’elles avaient perdu en développant une MA. Le bexarotène a aussi amélioré l’odorat des souris, la perte de l’odorat étant l’un des premiers symptômes de la MA.
Le Pr Bruno Dubois reste sceptique quant à ces résultats cognitifs : « la disparition même rapide des plaques amyloïdes n’induit pas instantanément un recouvrement des fonctions cognitives. Il faut un certain laps de temps avant d’obtenir un effet clinique. Ce sont donc des effets à beaucoup plus long terme sur la cognition qu’il faudrait observer ».
De plus, « on n’a jamais mis en évidence une amélioration de la cognition avec la disparition des plaques amyloïdes aujourd’hui », poursuit le Pr Dubois. On ne sait même pas bien encore à quoi correspondent ces plaques amyloïdes : sont elles une cause ou une conséquence de la maladie d’Alzheimer ? Si elles sont seulement une conséquence, elles ne sont alors sans doute pas la bonne cible pour de futurs traitements. Ainsi, si le bexarotène semble plein de promesses, il lui reste du chemin à parcourir avant de se proclamer futur traitement miracle de la MA.
L’équipe de Paige Cramer a donc du pain sur la planche. Et avant tout, il reste aujourd’hui à tester cette molécule chez l’homme : « dans les prochains mois, nous souhaitons mener des études sur des sujets de cognition normale afin de s’assurer que le mécanisme observé chez les souris est bien le même chez l’homme », avance Paige Cramer.
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