Un entretien avec Martin Hirsch et Maxime Schwartz
A entendre certains scientifiques, votre colloque viendrait trop tard, alors qu'en Amérique quelque 40 millions d'hectares sont déjà plantés d'OGM ; en Europe même, les pouvoirs publics reconnaissent qu'il est désormais impossible de certifier que des cultures sont exemptes d'OGM.
MARTIN HIRSCH
Au contraire, je pense que ce colloque vient en temps voulu. A la différence de bien des produits pour lesquels on s'interroge sur les méthodes d'évaluation une fois qu'ils sont mis en circulation, l'idée fondamentale de notre colloque consiste à se demander si, quand on parle d'effets sanitaires des OGM, on est en mesure de proposer des méthodes d'évaluation rigoureuses, indépendantes des industriels, pour savoir si les bénéfices allégués pour la santé sont ou non scientifiquement fondés.
Il nous faut donc, en amont, une réflexion prospective, méthodologique.
MARTIN HIRSCH
Cela confirme que les questions scientifiques ne sont pas closes et que nous n'arrivons pas trop tard. Ce serait en revanche le cas si on consommait depuis des années des OGM avec des bénéfices pour la santé allégués et non justifiés.
MARTIN HIRSCH
L'AFSSA, je vous le rappelle, n'est pas compétente pour l'étude des risques environnementaux. S'agissant des risques pour la santé, l'AFSSA achève un important travail sur l'actualisation de lignes directrices, c'est-à-dire ce qui est demandé au préalable dans un dossier d'autorisation.
Augmenter et/ou diminuer les allergies
Quels risques alimentaires estimez-vous potentiellement liés aux OGM ?
MAXIME SCHWARTZ
Le principal risque pourrait concerner les allergies. Il est vrai que, dans le passé, un OGM a été construit avec une protéine de colza qui donnait des allergies, mais le système de vérification a empêché sa commercialisation. A l'inverse, certains annoncent que les OGM peuvent être utilisés pour faire disparaître les allergies naturelles. Ainsi, moi-même qui suis allergique au kiwi, comme beaucoup de gens, je serais très heureux qu'on puisse mettre au point un kiwi dépourvu de cette protéine qui provoque l'allergie. Ces deux aspects, risque supplémentaire par l'introduction d'une protéine allergique et diminution du risque allergique par suppression d'une protéine allergique, vont être discutés lors de notre colloque.
Si ce colloque n'est pas centré sur le problème du risque, ce n'est pas parce que la question du risque est dépourvue d'intérêt, c'est parce que c'est sur le problème du bénéfice que fait défaut une ligne directrice pour apprécier, évaluer et éviter de simples postulats. C'est ce terrain très ouvert, très neuf, qui sera traité.
Cela dit, l'AFSSA n'a pas pour mission de faire des choix fondamentaux sur les OGM. Sa responsabilité est de fournir des bases scientifiques solides à ceux qui font le choix, à faire en sorte que les pouvoirs publics disposent des bonnes méthodes d'évaluation pour prendre leurs décisions.
MAXIME SCHWARTZ
Un point important à relever, c'est que les OGM qui sont aujourd'hui sur le marché y ont été mis pour des raisons principalement économiques liées, par exemple, à des résistances aux insectes, ou aux herbicides. A l'origine, ces démarches ne se souciaient pas spécialement de santé.
Dans ces conditions, il faut se demander tout d'abord si ces OGM, bien que n'ayant pas été conçus pour cela, ont des effets sur la santé ; est-ce le cas, par exemple, pour les OGM qui résistent aux herbicides, grâce auxquels on peut utiliser moins d'herbicides, qui sont des produits préjudiciables à la santé ? Dans le cas des OGM résistants aux insectes, y a-t-il une meilleure résistance aux champignons, souvent producteurs de mycotoxines ? Ces toxines seront-elles moins nombreuses dans ces OGM, ce qui constituerait un avantage pour la santé humaine ?
Les dosages en acides gras modifiés
Où en est-on de la mise sur le marché d'OGM conçus spécialement avec un objectif de santé ?
MAXIME SCHWARTZ
Ces OGM de nouvelle génération ne sont pas encore commercialisés. Il y a le fameux riz doré, destiné à fournir des vitamines A aux populations des pays en développement, qui sera justement discuté ; il y a des OGM de colza avec des dosages en acides gras modifiés pour réduire les risques de maladies cardio-vasculaires. Nous allons donc énumérer, lors de la première journée du colloque, quelques-uns des bénéfices allégués en termes de santé, pour les produits déjà commercialisés ou appelés à l'être prochainement. La deuxième journée aura pour but d'évaluer la réalité de tels bénéfices.
MARTIN HIRSCH
Les problèmes d'évaluation des risques et des bénéfices sont le lot quotidien des professionnels de santé. D'où l'intérêt de faire le lien entre des méthodes éprouvées d'évaluation des risques et des bénéfices sur des produits de santé et des méthodes qui sont encore inutilisées ou utilisées partiellement en matière alimentaire.
En septembre, Bernard Kouchner avait annoncé qu'il entendait que le ministère de la Santé soutienne des projets de recherche sur les OGM. Nous nous réjouissons de sa présence au colloque et nous espérons que les sujets abordés font écho aux enjeux sanitaires qu'il avait identifiés et permettront de définir des projets de recherche. On trouvera également la cohérence des approches, comme en témoigne la comparaison entre les méthodes d'évaluation des bénéfices d'un médicament et la problématique appliquée aux aliments. C'est une démarche innovante.
MARTIN HIRSCH
Le débat sera, nous l'espérons, animé. Sera-t-il hostile ? Nous ne le craignons pas. Il faut comprendre, encore une fois, que notre objectif n'est pas de démontrer une thèse ou de prendre un quelconque parti. Nous ne cherchons pas plus à promouvoir les OGM sur le marché qu'a nier a priori leurs éventuels bénéfices en termes de santé.
MAXIME SCHWARTZ
Des traces d'OGM avaient en effet été détectées dans des lots de semences censées être non OGM. Les 25 experts scientifiques qui ont travaillé sur cette affaire ont conclu que ces traces ne présentaient pas de risques particuliers pour la santé mais qu'elles reflètent une situation de présence fortuite d'OGM dans des semences conventionnelles. Subsiste en outre le problème des méthodes de détection. Les méthodes PCR utilisées sont tellement sensibles qu'on enregistre parfois des résultats aberrants. Il reste à démontrer de façon certaine que, dans tous les échantillons analysés, on avait bien affaire à des graines contaminées et non à des débris végétaux en provenance d'OGM.
A supposer qu'il s'agisse bien de contaminations de lots de graines par des OGM en quantités très faibles, de l'ordre de 1 pour mille, la question de l'origine de cette contamination demeure entière : s'agit-il d'OGM en provenance de l'étranger ou de France, via des parcelles expérimentales ? C'est une question importante et qu'il faut résoudre.
Deux jours pour l'évaluation des bénéfices pour la santé des OGM
Réunis les 17 et 18 novembre à l'Institut Pasteur*, une trentaine d'intervenants français et étrangers, spécialistes en microbiologie, toxicologie, allergénicité et nutrition, vont faire le point sur les OGM, leurs dangers et leur utilité du point de vue sanitaire et alimentaire.
Ouverts le premier jour par Jean Glavany, ministre de l'Agriculture, et, le deuxième jour par Bernard Kouchner, ministre de la Santé, les débats seront consacrés à l'amélioration des qualités nutritives des aliments, à la diminution des toxines (phytosanitaires, mycotoxines, allergènes), ainsi qu'aux méthodes d'évaluation des bénéfices pour la santé. Il sera aussi question de l'outil que les biotechnologies peuvent constituer pour les pays en voie de développement, avec la construction d'un système commun de biosécurité pour l'Afrique.
28, rue du Dr-Roux, 75015 Paris. Renseignements : AFSSA : 23, avenue du Général-de-Gaulle, 94701 Maisons-Alfort Cedex, tél 01.49.77.13.00.
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