C'EST L'UN DES PLUS importants groupes pharmaceutiques indépendants français, Fournier-Pharma, basé à Dijon, que doit acquérir très prochainement le belge Solvay. Un accord en ce sens a été signé il y a quelques jours. Le montant de la transaction, 1,3 milliard d'euros en cash, correspond à plus du double du chiffre d'affaires réalisé par la firme française en 2004, soit 596 millions d'euros.
Fournier, qui fait partie du G5 regroupant les cinq plus importantes firmes pharmaceutiques françaises (outre l'entreprise dijonnaise, on y retrouve Sanofi-Aventis, Ipsen, Servier et Fabre), cherchait depuis un moment les moyens de retrouver un fort dynamisme et sa croissance, qui n'est pourtant pas si lointaine. Les responsables du groupe étaient notamment en quête de partenaires capables de les aider à atteindre ces objectifs et ils étaient désireux d'acquérir des produits indispensables à l'accroissement du chiffre d'affaires et des résultats. Tâches difficiles en ces temps où l'industrie pharmaceutique française, et même mondiale, est morose, et passe parfois par des moments de déprime causés par les mises en cause des autorités sanitaires. De plus, la recherche devenant de plus en plus onéreuse, l'industrie a besoin de beaucoup d'argent pour avoir les moyens de ses ambitions. Ce qui confirme d'ailleurs toute la difficulté pour les firmes indépendantes de demeurer compétitives et de concurrencer les entreprises multinationales, même lorsque celles-ci n'ont pas une taille de géant.
Les promesses du marché américain.
Et Fournier, à l'évidence, comme un certain nombre de firmes, ne pouvait relever ce défi. Tant et si bien que la nouvelle du rachat de l'entreprise française n'est pas étonnante et ne surprend guère, en tout cas, les experts du secteur. « C'était attendu, explique sans état d'âme un analyste financier qui connaît bien ce milieu industriel. On savait que Fournier n'avait pas un portefeuille de produits assez important ni même un pipeline [comprenez, des spécialités en cours de recherche et de développement] assez prometteur et fourni pour tenir le choc et demeurer compétitif. » Il est vrai que le médicament leader de Fournier, un hypolipidémiant, qui représente encore deux tiers de son chiffre d'affaires, subit une concurrence de plus en plus vive des autres médicaments de la classe thérapeutique et n'est plus aussi rémunérateur qu'il y a quelques années. D'autant qu'il doit affronter de nombreux génériques présents sur le marché européen.
Il faut reconnaître, cependant, que ce médicament rencontre aux Etats-Unis, sous le nom de TriCor, un vif succès dans le cadre d'un accord signé avec le laboratoire américain Abbott qui le commercialise outre-Atlantique.
Pour Solvay, le marché américain est d'ailleurs plein de promesses, et il est hors de question, dit-on au siège de la firme belge, de remettre en cause ces accords avec Abbott. L'an dernier, les ventes de ce médicament ont bondi de 38 % aux Etats-Unis, à 779 millions de dollars (592 millions d'euros), et devraient dépasser le milliard en 2005 (760 millions d'euros) et même s'il est vrai que ce revenu doit être partagé avec la firme américaine, le rapport reste intéressant.
Ambition mondiale.
Mais, pour un certain nombre d'observateurs, cette réussite sera insuffisante pour accroître la compétitivité du nouveau groupe.
Ce qui ne semble pas être le sentiment de Solvay, pour qui le rachat est une « décision stratégique majeure », qui devrait permettre d' « accélérer une croissance durable et rentable ».
De son côté, le président de Fournier-Pharma, Hervé Le Lous, arrivé à la tête du laboratoire il y a trois ans après le décès de son père, Jean Le Lous, fondateur de l'entreprise, s'est félicité du rapprochement, qui devrait donner naissance, selon lui, à « un acteur d'ambition mondiale dans les maladies cardio-métaboliques ».
Cette fusion, poursuit-il, est « en cohérence avec la stratégie développée par Fournier-Pharma » et « permet de conforter les plans d'actions stratégiques engagés sur le plan du développement de nouveaux produits et de l'expansion géographique ».
Sur le plan financier commente encore la direction du groupe belge, cette transaction « pourrait accroître les activités de Solvay de plus d'un tiers en termes de chiffre d'affaires et améliorer immédiatement la rentabilité du groupe, avec un potentiel d'amélioration significatif des performances ».
Solvay prévoit une hausse de 58 % de son bénéfice d'exploitation et une hausse de 7,3 % de son bénéfice par action grâce à cette acquisition.
Pour la nouvelle entité, les projets conjugués des deux sociétés devraient être par ailleurs soutenus par un budget de recherche et développement de quelque 370 millions d'euros, jugé « substantiel » par Solvay.
L'inquiétude des salariés.
Du côté des personnels de la firme française, l'inquiétude est palpable. Les syndicats n'ont pas tardé à exprimer leur crainte, déplorant qu' « aucune garantie sur l'emploi n'ait été donnée ».
« Solvay ne précise rien. Nous savons simplement que le groupe compte conserver dans un premier temps les sites de production, à Fontaine-lès-Dijon et à Cork, en Irlande, ainsi que la recherche à Daix, près de Dijon », a déclaré à l'AFP Chantal Labry, déléguée syndicale CGT, porte-parole de l'intersyndicale UNSA-CFDT-CGT. « L'inquiétude domine, notamment dans les services administratifs qui risquent de faire doublon. Ils représentent 200 personnes à Dijon et une centaine à Garches, en banlieue parisienne », a-t-elle ajouté.
L'an dernier déjà, pour préserver sa compétitivité, Fournier avait dû se résoudre à supprimer un certain nombre d'emplois dans la visite médicale et l'administration notamment. Un plan social qui doit d'ailleurs s'achever en avril 2005.
Les syndicats craignent que cela ne se reproduise avec une ampleur plus forte. Un plan social semble inévitable, commente un expert, pour qui cependant, à terme, cette fusion pourrait « se révéler moins pénible que prévu pour les salariés, dans la mesure où elle pourrait donner une nouvelle vigueur à l'entreprise, alors que l'avenir immédiat de Fournier, sans partenariat ou acquisition majeure de produits, ne s'annonçait pas très rose ».
Il faut rappeler enfin qu'en 2002 et 2003 Fournier s'était séparé de ses deux filiales : Plasto, pour les adhésifs, et Urgo, spécialisé dans les produits de cicatrisation.
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