LES DÉBATS ONT été longs, mais un large consensus a fini par se dégager : la suspension de l'obligation vaccinale pouvait être envisagée, mais seulement dans le cadre d'un renforcement des mesures de lutte contre la tuberculose. La réflexion conduite par la Direction générale de la santé (DGS) et commencée par l'expertise collective de l'Inserm en novembre 2004 a enfin abouti à l'élaboration d'un programme national adopté pour deux ans (2007-2009). Le plan conçu par le comité d'élaboration mis en place en février 2006, et qui a rendu son rapport en janvier dernier, et l'avis du comité technique de vaccination (Conseil supérieur d'hygiène publique de France, devenu depuis Haut Conseil de la santé publique) du 9 mars 2007 tiennent compte des différents rapports déjà émis sur la question, ceux du Comité national d'éthique et de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et des conclusions de l'audition publique organisée par la Société française de santé publique.
L'incidence moyenne annuelle de la tuberculose est en baisse régulière en France, avec des chiffres proches de ceux préconisés par l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires (Uictmr) pour préconiser l'arrêt d'une vaccination généralisée (8,9 pour 100 000 habitants). Cependant, de fortes disparités, en fonction des populations ou des zones géographiques, invitent à la vigilance. L'incidence parmi les populations d'origine étrangère, notamment subsaharienne, était de 69,8 pour 100 000 en 2005, en hausse de plus de 6 % sur la période 2000-2005 ; en Ile-de-France et en Guyane, les deux régions les plus touchées, elle est respectivement de 21,8 et de 28,9 pour 100 000. Autre argument : la vaccination par le BCG protège essentiellement les sujets vaccinés et n'intervient pas, ou de manière exceptionnelle, sur la chaîne de transmission. Or la tuberculose chez l'enfant est très exceptionnellement contagieuse et presque toujours due à une contamination à partir d'un adulte bacillifère.
Enfants à risque élevé.
Ces observations ont conduit à la fin de l'obligation vaccinale. Cependant, le vaccin reste fortement recommandé chez les enfants à risque élevé de tuberculose : enfants nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse ; enfants dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de ces pays ; enfants devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un des pays ; enfant ayant des antécédents familiaux de tuberculose ; enfants résidant en Ile-de-France ou en Guyane ; enfants dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment ceux qui vivent dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) ou socio-économiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, CMUc, AME) ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays à forte endémie. «Tout enfant dont les parents demandent la vaccination doit être vacciné, sauf contre-indication», précisent les experts. Des actions spécifiques de formation à l'utilisation du BCG intradermique devront accompagner la mesure. En plus de la modification de la stratégie vaccinale, le programme comporte cinq autres grands axes : assurer le diagnostic précoce et un traitement adapté pour tous les cas de tuberculose maladie ; améliorer le dépistage ; maintenir la résistance aux antibiotiques à un faible niveau ; améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose ; améliorer le pilotage de la lutte antituberculeuse.
Education thérapeutique et accompagnement.
Cela suppose d'informer et de sensibiliser les personnes exposées et les professionnels de santé, de favoriser l'accès aux soins et de développer la confiance dans le dispositif de soins. Il s'agit, par exemple, d'adapter les services délivrés aux caractéristiques des populations auxquelles ils s'adressent. Une démarche d'éducation thérapeutique devra être mise en oeuvre, de même qu'un accompagnement des patients, afin de favoriser l'observance. En plus du dépistage des cas de tuberculose maladie, notamment des formes contagieuses (radio pulmonaire), les enquêtes autour des cas devront être plus systématiques. Pour cela, un effort de formation devra être fait auprès des acteurs dans les Clat (centres de lutte antituberculeuse) et les Ddass, et auprès des médecins déclarants (hospitaliers et libéraux), médecins du travail, médecins de PMI. Le faible niveau de multirésistance actuellement observé en France (entre 1992 et 2001, le nombre de cas de tuberculose à bacilles multirésistants signalés chaque année a oscillé entre 26 et 58) devra être maintenu grâce à une meilleure information sur la tuberculose multirésistante et à la transmission immédiate des souches au CNR en cas de suspicion de multirésistance. La déclaration des issues de traitements renseignant sur la date d'arrêt et les résultats du traitement mise en place depuis juin 2007 est aussi un élément important dans la lutte contre la multirésistance.
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