Le plaisir des repas de l’été dans le grésillement des viandes cuites au barbecue serait-il frelaté ? Et cette pratique des viandes grillées à proximité des braises, surgie de la nuit des temps, exhalant des effluves aussi immémoriales que conviviales, serait-elle, en fait, un danger pour la santé ? Lira-t-on demain des messages sur les barbecues et sur les sacs de charbons de bois semblables aux mises en garde qui constellent les paquets de cigarette ? C’est la thèse que nourrit la rumeur. Le lien entre cancer et cuisson de la viande à la flamme serait de plus en plus documenté.
Il y a les HAP (hydrocarbures polycycliques aromatiques), qui provoquent des cancers de la peau, du foie et de l’estomac chez l’animal ; les NHAP (HAP nitrés nés d’un mélange des HAP avec l’azote contenu dans la viande) ; les acrylamides, carcinogène qui se forme à partir des sucres et des acides aminés lors des cuissons à haute température ; les hydrocarbones hétérocycliques qui se collent à la viande dans les parties noircies par la cuisson, sans oublier le benzo(a)pyrène (B(a)P) aux propriétés cancérigènes notoires.
En lisant ce menu sévèrement carcinogène, d’aucuns n’hésitent pas à faire un parallèle avec la prise de conscience, à partir des années 1960, des dangers de la cigarette, envisageant, à mesure que sont constituées les études, l’interdiction pure et simple du BBQ.
Les risques de la consommation de viandes s’ajoutent à ceux de la cuisson à haute température. Pour les premiers, sept études de cohorte et vingt-six études cas-témoin ont étudié la relation entre la consommation de viandes et le cancer colorectal.
Deux tiers des études cas-témoin ont décrit une augmentation de risque associée à la consommation de viande, en particulier de viandes rouges (WCRF/AICR, 1997). Mais le risque observé reste relativement faible ou modéré.
Pour les seconds, plusieurs études épidémiologiques indiquent une association positive entre les méthodes de cuisson à haute température, en particulier des viandes et poissons, et les cancers de l’estomac, du côlon et du rectum (Gerhardsson de Verdier et al., 1991 ; Schiffman et Felton, 1990; Pobst-Hensch et al., 1997).
Ces résultats restent cependant controversés, souligne le ministère de la Santé, qui les a mis en ligne sur son site (WCRF/AICR, 1997, Willett et al., 1990)
Denis Corpet, directeur de l’équipe "Aliment et Cancer" de l’UMR Inra-Environnement
« Il est exact que les HAP dégagés par la cuisson au barbecue sont des cancérigènes avérés, tels que je m’en sers dans mes recherches, les mêmes dégagées par la fumée des cigarettes. Et il n’est pas moins vérifié que les vielles chinoises qui se nourrissent toute leur vie de viandes cuites sur les braises présentent une prévalence de cancers rhino-pharingés élevée. Cela dit, des études de cas témoins montrent que les gros mangeurs de viandes cuites au barbecue sont plus sujets aux cancers du colon, mais d’autres études concluent inversement.
En l’absence de méta-analyses, je suppose que ce sont les diversités des phénotypes des populations étudiées qui expliquent l’inconstance des données épidémiologiques. En l’état des connaissances, j’aurais tendance à relativiser la conduite à tenir : ne pas se priver du barbecue, mais ne pas en abuser. Et respecter les règles d’utilisation.»
L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation ), a actualisé le mois dernier ses préconisations : placer la grille à haut moins 10 cm des braises, privilégier l’usage de charbon de bois épuré, éviter la chute de graisse dans les flammes. Le PNNS (programme national nutrition santé) recommande en outre de ne pas consommer les parties carbonisées des viandes grillées.
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