PARCE QUE le propos de la collection « Dictionnaire amoureux », qui allie la culture et le parti pris, est toujours intéressant et parce que les deux derniers titres, et leurs auteurs, sont particulièrement dignes d'intérêt, commençons par « le Dictionnaire amoureux de la Russie », de Dominique Fernandez (1) et « le Dictionnaire amoureux de l'islam » (2), de Malek Chebel.
Romancier en même temps que critique, éternel voyageur, Dominique Fernandez - prix Médicis 1974 avec « Porporino ou les Mystères de Naples » et prix Goncourt 1982 avec « Dans la main de l'ange » - n'aime pas que l'Italie. Tout jeune homme, raconte-t-il, il a trouvé dans une famille princière misérablement réfugiée dans le fin fonds du XVè arrondissement de Paris, la chaleur qui manquait chez lui ; de là date son engouement pour la Russie, qu'il a conforté au fil de voyages multipliés depuis une dizaine d'années.
Le périple où il nous entraîne ici est à travers le temps et l'espace, de la Russie impériale à la Russie actuelle en passant par l'ex-URSS. Mais son voyage est surtout initiatique et il nous aide à mieux saisir la culture russe, c'est-à-dire l'âme russe. A travers la danse avec Diaguilev, Noureev, la littérature ensuite, en compagnie de Dostoïevsky, Tolstoï, Gogol, Boulgakov et Chalamov, la musique, avec Tchaïkovsky ou Rimsky Korsakov et surtout Chostakovitch, « seul géant contemporain », enfin le cinéma, avec Eisenstein et Tarkovski. Des affinités électives qu'il se plaît à nous faire partager.
« Aimer d'un amour sans entraves une religion et une culture, aimer ce qu'elle a produit d'immense, détester ses avatars, ses compromissions et ses replis dévastateurs : telle est l'ambition de ce livre », écrit Malek Chebel en introduction à son « Dictionnaire amoureux de l'islam ». Un dictionnaire qui, avant tout, rêve d'« enchanter » l'islam et de faire connaître cette religion en partant de l'intérieur. Un dictionnaire qui est aussi une anthologie littéraire - l'Orient tel qu'il est décrit ou imaginé par les écrivains - et un livre d'histoire visant à instruire l'homme ou la femme moderne des traditions musulmanes et à raconter le sentiment de cette religion ni plus ni moins tolérante que le christianisme ou le judaïsme.
Rappelons que Malek Chebel est né en Algérie où il a obtenu son baccalauréat en arabe avant d'étudier à Constantine jusqu'en 1977. Anthropologue et psychanalyste, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la société musulmane qui sont des références dont « L'Encyclopédie de l'amour en Islam » ou le « Dictionnaire des symboles musulmans ».
L'amour est multi-formes, on le sait, et il n'y a pas de malice à citer dans la foulée l'
« Anthologie érotique »de Maurice Lever (3), qui est en fait le premier volume d'une collection de textes tous genres confondus qui, depuis l'Antiquité, disent «
la puissance du désir et de la jouissance, la pression de la censure, le plaisir et l'angoisse de la transgression ».Ce premier volume est tout naturellement consacré au XVIIIè siècle, alors que le plaisir y apparaît pour la première fois comme
un art de vivre et que l'érotisme se théorise et se rationalise. Où il devient aussi le lieu privilégié de la contestation politique. Centré autour de l'érotisme féminin, l'ouvrage donne la parole à toutes celles - princesses, bourgeoises ou comédiennes - qui osent revendiquer leur vagabondage sexuel. Maurice Lever commente, annote et présente ces textes, pour la plupart inédits depuis longtemps, sans nulle discrimination hiérarchique.
Partagé par nombre d'écrivains célèbres, l'amour de la mer a aussi touché Simon Leys - un sinologue à qui l'on doit notamment une traduction en français et en anglais des « Entretiens » de Confucius, et, dès 1971, une dénonciation des horreurs de la Révolution culturelle dans « les Habits neufs du président Mao » - qui a réalisé une vaste anthologie de deux volumes sous coffret,
« la Mer dans la littérature française »(4).
Il ne s'agit pas des témoignages laissé par des navigateurs, explorateurs ou sportifs, mais de la manière dont tous les écrivains de langue française ont pu, à travers la poésie, le roman, le théâtre, le journal ou la correspondance, exprimer leur fascination ou leur angoisse, leur émerveillement ou leur indifférence face à la mer. Si certains auteurs, comme Hugo, Michelet, Alexandre Dumas ou Jules Verne occupent, bien sûr, une place royale, ou a aussi des surprises avec par exemple un vers en « carton-pâte » de Racine ou des propos désopilants d'Alphonse Allais, des textes de saint François de Sales ou Jules Renard, Voltaire ou Conrad, voire Berlioz, Napoléon Bonaparte ou le sinistre Joseph Fouché...
Tous ceux qui s'intéressent à la chose publique, c'est-à-dire en principe l'ensemble des citoyens, devront se plonger dans
« la Politique en France. Dictionnaire historique de 1870 à nos jours »(5), un ouvrage rédigé par l'équipe rédactionnelle du « Monde » sous la direction de Thomas Ferenczi, dont le propos est de tracer un portrait de la vie politique française aussi complet que possible de la naissance de la IIIè République à la Vè aujourd'hui ; autrement dit de décrire le monde politique tel qu'il est, et non tel qu'il devrait être.
Après un état des lieux dressé par l'historien René Rémond, le juriste Guy Carcassonne, le professionnel des enquêtes d'opinion, Jérôme Jaffré et le politologue Pascal Perrineau, une série de courts articles proposent des clefs de compréhension pour aborder les questions les plus courantes sur la vie politique (
le modèle français d'intégration est-il menace ? Est-il vrai que tout se décide désormais à Bruxelles, et non à Paris ?..).Le dictionnaire proprement dit - 255 entrées et 30 dossiers - permet d'aborder la vie politique au travers de ses règles constitutionnelles, de ses repères idéologiques et de ses pratiques quotidiennes. Une chronologie et deux cahiers d'illustrations complètent les portraits de ceux et celles qui ont marqué et marquent aujourd'hui la vie politique de ce pays.
Politique encore, signalons la parution de l'édition 2004 du
« Journal de l'Année »(6) qui permet de retrouver, dans une présentation chronologique, tous les événements majeurs, les acteurs essentiels, les évolutions déterminantes, les chiffres clés, ainsi que les grands débats qui ont constitué l'actualité mondiale et française. L'ouvrage est composé de 56 articles et dossiers analysant les événements de l'année 2003 et présente une partie statistique très complète sur les pays du monde, enrichie pour chacun d'une chronologie et d'une note de tendance sur l'année.
Politique toujours, la réédition en poche de l'édition princeps de 1999 de
« le Siècle rebelle. Dictionnaire de la contestation au XXè siècle »(7), réalisé sous la direction d'Emmanuel de Waresquiel par quelque 180 auteurs de sensibilités différentes qui ont signé des articles « engagés ».
L'éditeur de ce dictionnaire, qui prend en compte dans les domaines artistiques, politiques et sociaux, les principaux personnages, les mouvements, les lieux et les objets liés à la rébellion des années 1870 à 1999 dans le monde entier, a choisi de ne pas actualiser l'ouvrage. Lequel se veut moins une somme définitive qu'un « état des lieux » de la rébellion, qui tire sa richesse des partis pris de ses auteurs. Loin des sentiers battus de la culture dominante, une autre approche de la pensée du siècle passé et de son histoire.
(1)Editions Plon, 854 p., 26 euros
(2) Editions Plon, 714 p., 25 euros
(3) Editions Robert Laffont, collection « Bouquins », 1 178 p., 30 euros
(4) Editions Plon, 776 et 728 p., 76 euros
(5) Editions Larousse, 478 p., 70 ill., 35 euros
(6) Editions Larousse, 400 p., 250 photos couleurs, 23 euros (broché), 35 euros (relié)
(7) Editions Larousse, collection « In Extenso », 1 038 p., 200 illustrations, 26 euros
La littérature depuis l'après-guerre
En 1970, les éditions Bordas publiaient, sous la signature de Jacques Bersani, Jacques Lecarme et Bruno Vercier, « la Littérature en France depuis 1945 » ; puis en 1982, un second ouvrage des mêmes auteurs, « la Littérature en France depuis 1968 » : deux titres à destination pédagogique mais qui, en montrant combien la littérature est fortement ancrée dans le contexte politique et dans ses conditions de production, avaient créé l'événement dans tous les cercles littéraires.
Devenus des « classiques », ces deux ouvrages sont aujourd'hui rassemblés en un seul volume intitulé la Littérature en France de 1945 à 1981 », qui constitue un formidable outil pour comprendre la littérature actuelle - le livre donnant en effet les clés de la plupart des transformations qui ont, en l'espace d'une génération, affecté le paysage littéraire : autofiction, parodie, écriture fragmentaire, écritures de la mémoire, etc.
Une anthologie doublée d'un ouvrage critique précieux pour tous les amateurs de littérature.
Editions Bordas, 1 170 p., nombreuses illustrations en noire et blanc,Prix 89,95 euros.
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