Un, voire deux antiagrégants plaquettaires doivent être prescrits en prévention secondaire des maladies cardio-vasculaires, et les anticoagulants sont recommandés chez certains patients en fibrillation auriculaire (FA) et chez tous ceux ayant une valve cardiaque métallique. Fréquents chez ces patients, les soins chirurgicaux et/ou dentaires posent le problème du rapport bénéfice/risque de l'arrêt des antithrombotiques. Dans ce domaine, plusieurs textes de recommandations aident le praticien dans sa décision.
TOUS LES PATIENTS ayant une pathologie cardio-vasculaire avérée devraient avoir un traitement antithrombotique. Dans l'immense majorité des cas, ce traitement est un antiagrégant plaquettaire (aspirine ou clopidogrel), dans quelques cas, il s'agit d'un antivitamine K (AVK) et parfois d'une double antiagrégation plaquettaire associant aspirine et clopidogrel. Ces traitements sont proposés parce que leur bénéfice clinique est largement démontré : en prévention secondaire des maladies cardio-vasculaires, un antiagrégant plaquettaire permet de réduire de 25 % à deux ans le risque de décès d'origine cardio-vasculaire, d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cérébraux. Dans certaines situations, une double antiagrégation plaquettaire apporte un bénéfice supérieur à celui de l'utilisation d'un seul antiagrégant plaquettaire, comme lors de la pose d'un stent coronaire (double antiagrégation plaquettaire à maintenir un mois), d'un stent coronaire actif (double antiagrégation plaquettaire à maintenir 12 mois), après un infarctus du myocarde (double antiagrégation plaquettaire à maintenir un mois) ou un syndrome coronaire aigu (double antiagrégation plaquettaire à maintenir 12 mois). Les AVK, quant à eux, préviennent le risque de thrombose de valve chez les patients ayant une prothèse valvulaire mécanique cardiaque et diminuent de près de 70 % le risque thromboembolique chez les sujets ayant une fibrillation ou un flutter auriculaire et des facteurs de risque embolique.
Les patients justifiant de tels traitements sont le plus souvent âgés de plus de 65 ans et il a été évalué que 20 % des patients de ces classes d'âge ont une intervention chirurgicale par an. Cela fait du problème du risque hémorragique associé au maintien des antithrombotiques lors de la chirurgie et du risque ischémique associé à leur arrêt un problème, fréquent pour les médecins, quotidien pour les cardiologues, les anesthésistes et les chirurgiens.
Classiquement, les antithrombotiques étaient arrêtés avant une intervention, mais ces dernières années ont été marquées par une meilleure appréciation du risque ischémique lors de leur arrêt, notamment chez les patients ayant eu un stent coronaire actif, et plusieurs sociétés savantes françaises ont proposé des lignes de conduite pour la prise en charge de ce problème de pratique quotidienne.
Soins dentaires.
La Société française de médecine buccale et de chirurgie buccale (SFMBCB) a émis en novembre 2005 des recommandations pour la prise en charge des patients sous agents antiplaquettaires en odontostomatologie. Ses trois premières propositions sont que : 1) l'arrêt du traitement par antiagrégant plaquettaire avant des soins dentaires n'est pas justifié (accord professionnel) ; 2) l'arrêt du traitement par aspirine à faibles doses (comprises entre 75 et 325 mg/j) avant une intervention de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n'est pas justifié
(recommandation de grade B) ;
3) l'arrêt du traitement par clopidogrel avant une intervention de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n'est pas justifié (accord professionnel).
En décembre 2006, en association avec la Société française de cardiologie, la SFMBCB a émis des recommandations pour la prise en charge des patients sous AVK en chirurgie bucco-dentaire. Ses quatre premières recommandations en sont : 1) un contact préalable avec le médecin responsable du suivi du traitement par AVK du patient est indispensable (I, C) ; 2) l'arrêt systématique du traitement par AVK avant une intervention de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n'est pas justifié (I, A) ; 3) la poursuite du traitement par AVK est recommandée dans les cas d'interventions de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire sauf en cas de risque médical associé, sous réserve de la coopération du patient et de la proximité d'une structure hospitalière capable de le prendre très rapidement en charge (I, A) ; 4) la valeur de l'INR doit être stable et inférieure à 4 (I, A).
Endoscopie digestive.
De même, la Société française d'endoscopie digestive, en collaboration avec d'autres sociétés savantes, a proposé en 2006 des recommandations pour la prise en charge des patients sous anticoagulants ou sous antiagrégants plaquettaires avant une endoscopie digestive. Lors des procédures à faible risque hémorragique (dont les endoscopies avec biopsies à la pince) (encadré ci-contre), les antithrombotiques peuvent être poursuivis. En revanche, ils doivent être arrêtés lorsqu'une biopsie à l'anse diathermique est prévue.
Chirurgie.
En mars 2006, sous l'égide de la Société française d'anesthésie-réanimation (SFAR), un groupe d'experts a fait des propositions pour la gestion du traitement antiplaquettaire chez les patients porteurs d'endoprothèses coronaires (tableau ci-dessous).
Ce texte propose qu'une discussion pluridisciplinaire médicochirurgicale soit obligatoire pour guider la prise en charge et la gestion péri-opératoire des antiagrégants plaquettaires chez ce type de patients. Elle doit inclure le cardiologue, le spécialiste de l'hémostase, le chirurgien ou le médecin réalisant l'acte invasif (endoscopie, par exemple) et l'anesthésiste-réanimateur. Le risque hémorragique, en cas de chirurgie réalisée sous antiagrégants plaquettaires, et le risque thrombotique, en cas d'arrêt d'un ou de plusieurs antiagrégants plaquettaires, doivent être discutés collégialement afin de décider des modalités de prise en charge péri-opératoire du patient, voire d'un report ou d'une annulation du geste invasif. Le malade devra être informé des conclusions de cette concertation. En présence d'une endoprothèse active et d'une double thérapeutique antiplaquettaire, dans le cas où l'intervention devrait survenir lors d'une période pendant laquelle ce traitement ne peut pas être arrêté totalement (risque thrombotique élevé), il a été convenu que la poursuite de l'aspirine était hautement souhaitable et qu'une fenêtre très courte de cinq jours d'arrêt du clopidogrel pouvait être retenue. Cette proposition ne repose sur aucune étude prospective, mais découle uniquement d'un compromis entre la durée de vie des plaquettes (10 jours), le risque hémorragique lié à la poursuite du traitement et le risque thrombotique lié à son interruption. La reprise postopératoire doit être le plus précoce possible.
Un tableau synthétique reprenant les principaux éléments de l'évaluation du rapport bénéfice/risque est par ailleurs proposé dans ce texte et reproduit (tableau ci-contre).
Deux notions importantes.
Il y a peu encore, il n'était pas concevable d'effectuer une intervention chirurgicale en maintenant un traitement antithrombotique : il est maintenant reconnu que dans certaines situations cliniques le risque hémorragique de l'intervention est relativement faible et permet de maintenir certains antithrombotiques (à titre indicatif, la chirurgie carotidienne et la chirurgie cardiaque se font le plus souvent chez des patients chez lesquels l'aspirine est maintenue, les coronarographies et angioplasties coronaires se font quotidiennement chez des patients recevant et de l'aspirine et du clopidogrel).
Il est nécessaire que le médecin ayant posé l'indication du traitement antiagrégant, le plus souvent un cardiologue, soit inclus dans la prise de décision concernant la gestion des traitements antithrombotiques chez des patients devant avoir une intervention.
D'après la communication du Pr Nicolas Danchin (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
Gestes à faible risque hémorragique selon la SFED*
• Gastroscopie par voie buccale ± biopsies**.
• Rectosigmoïdoscopie ± biopsies.
• Coloscopie sans polypectomie ± biopsies.
• Echo-endoscopie diagnostique, CPRE*** sans sphinctérotomie ± biopsies.
• Entéroscopie ± biopsies.
* Société française d'endoscopie digestive.
** Biopsies à la pince.
*** Cholangio-pancréatographie rétrograde.
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