A ÉCOUTER JEAN-FRANÇOIS REY, rien ne va plus entre les spécialistes de la Csmf et les pouvoirs publics. Après un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2007 jugé «très décevant», le président de l’Umespe-Csmf (premier syndicat de spécialistes, avec 38 % des suffrages aux élections aux Urml dans ce collège), durcit le ton. Et n’hésite pas, plus de dix ans après le plan Juppé, à agiter devant la droite l’épouvantail de réactions électorales hostiles du secteur privé.
Pour Jean-François Rey, le gouvernement est le «grand responsable du marasme» des spécialistes libéraux, marasme qui n’est pris en considération par personne. Il accuse le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, d’écouter davantage «les coordinations chirurgicales et les discours corporatistes» que les représentants syndicaux des milliers de spécialistes, «partenaires loyaux» des réformes en cours et «acteurs du succès de la maîtrise». L’amendement au Plfss que le gouvernement vient de faire adopter sur le secteur optionnel, qui fixe la date butoir du 31 janvier 2007 pour conclure sur ce dossier dans le cadre conventionnel, serait une pure «mascarade». «Non seulement cela durcit les positions, mais cela pourrait conduire, de façon absurde, à une revalorisation isolée des chirurgiens en secteurII», analyse-t-il. Un comble, alors que l’objectif était de réduire le différentiel tarifaire avec le secteur I. Autre promesse «non tenue»: le décret «bloqué à Matignon» sur la responsabilité civile professionnelle (RCP), qui avait été promis cet été en réponse à la grève des blocs opératoires.
Retards et bureaucratie.
L’assurance-maladie ne s’en tire guère mieux.
La «lenteur bureaucratique» serait responsable de retards dans l’application de majorations actées depuis des mois (dermatologues, médecins réadaptateurs fonctionnels). Autre grief : les 722 médecins de secteur II qui ont choisi l’option de coordination inscrite dans la convention, prévoyant une prise en charge partielle des cotisations par l’assurance-maladie en contrepartie d’une modération tarifaire, «attendent toujours leur chèque», environ «7000euros en moyenne par médecin», selon le Dr Rey . «Cela casse la confiance», affirme-t-il.
Les « bugs » liés à la gestion informatique du parcours de soins seraient autant de «cailloux» supplémentaires dans les chaussures des spécialistes. «A l’heure de Bill Gates, il est surprenant que le C2 (avis d’expert à la demande d’un autre médecin) ne soit pas automatiquement inscrit dans le parcours de soins. Or ce n’est pas le cas», tonne le président de l’Umespe. Sans oublier un couplet plus classique sur le «harcèlement» que les caisses exerceraient sur les spécialistes.
Dans ce contexte, le syndicat réclame une «impulsion politique» permettant l’ouverture immédiate de négociations «tarifaires» avec l’assurance-maladie . «Les séances de diapos à la Cnam sur la démographie, je n’irai plus», annonce Jean-François Rey, avant de rappeler les priorités de l’Umespe : spécialités cliniques «en bas de l’échelle des revenus», élargissement du C2, réforme des consultations, deuxième étape de la Ccam technique.
D’ores et déjà, le syndicat a proclamé «la fin du bénévolat» à compter du 1er janvier 2007 ; ce qui signifie l’arrêt des astreintes dans les Upatou et des missions transversales non rémunérées (CME, Clin, matériovigilance). Au risque de trop noircir le tableau, l’Umespe s’alarme de la «dérive hospitalo-centriste» à tous les étages de l’administration. Selon Jean-François Rey, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos) cherche à imposer «sans concertation» aux spécialistes qui exercent sur les plateaux techniques privés une «normalisation» et des contraintes calquées sur le fonctionnement des structures de soins publics. «Rien ne sera possible si les représentants de la profession ne sont pas impliqués, et tout ce fatras organisationnel finira à la poubelle.»
Au terme de son réquisitoire, l’Umespe, qui réunira dimanche son comité directeur, entend «peser» dans la campagne. Avec une mise en garde à peine voilée à la majorité actuelle. Certes, le programme « santé » du PS est «creux pour l’instant», juge le Dr Rey . Mais l’Umespe «rencontrera le cabinet de Ségolène Royal sans a priori ». Avant d’ajouter, provocateur, que «Ralite (ancien ministre communiste de la Santé) avait compris toute l’importance de la médecine spécialisée libérale». Quant au projet 2007 de l’UMP, «il est hospitalo-centriste». Les spécialistes, explique Jean-François Rey, seront plus sévères à l’égard de ceux à qui ils ont fait confiance dans la réforme. Et le «désespoir conduit à des réactions incontrôlées».
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