Arts
En 1889, Gauguin, dans une lettre à Maurice Denis, évoquait la décennie précédente, et s'exprimait en ces termes : « Je voulais à cette époque (NDLR, la fin des années 1870 où il avait exposé au quatrième salon impressionniste) tout oser (...) Aujourd'hui vous pouvez tout oser et qui plus est personne ne s'en étonne. »
C'est sa découverte du petit village de Pont-Aven et de la Bretagne sauvage qui conduisit Gauguin vers de nouvelles recherches ; c'est là qu'il se mit en quête de naturel ; là qu'il trouva l'inspiration pour un art fait de couleurs vives, de plans simplifiés et de formes essentielles.
De juillet à octobre 1886, Paul Gauguin s'installe pour la première fois dans le petit chef-lieu de canton du Finistère. A Pont-Aven, le temps semble s'être arrêté et « on vit le meilleur marché », écrit-il à sa femme. Intact et vierge de toute civilisation, pittoresque, baigné d'une lumière tantôt opalescente, tantôt éclatante, le site de Pont-Aven a de quoi séduire. Il avait d'ailleurs séduit bien des peintres avant que Gauguin ne vienne y poser son chevalet. L'exposition en offre le témoignage, avec les uvres de nombreux artistes tels William Bouguereau, Emile Dameron et Charles Giraud, qui avaient déjà repéré l'endroit et s'étaient laissé captiver par la richesse des paysages. Rien de comparable cependant dans leur peinture avec l'explosion des formes et des couleurs à laquelle allait donner naissance l'école de Pont-Aven.
S'il est un peintre que Gauguin admirait au milieu des années 1880, il s'agissait bien de Camille Pissaro, dans les tableaux duquel il puisait, à son arrivée en Bretagne encore, une facture très impressionniste faite de petites touches. Parallèlement, Emile Bernard, Henri Delavallée et Schuffenecker composaient des toiles dans la lignée du pointillisme. Mais tous semblaient chercher autre chose. Et voilà que dans la Bretagne ils allaient trouver une terre promise pour porter leurs pinceaux vers une représentation plus synthétique et primitive de la nature, vers l'affirmation de la couleur pure, vers une forme de naïveté, d'abstraction et de symbolisme mêlés, vers une stylisation et une recherche de simplicité. De couchers de soleils en scènes populaires, de rondes bretonnes en marchés animés, du Bois d'Amour aux falaises découpées, de fermes en auberges, de moissons en cueillettes, de Pont-Aven au Pouldu, les tableaux s'animent alors de sensations intarissables. Maufra, Filiger, Sérusier, Moret, Lacombe, Chamaillard, Verkade, Ballin, Denis et bien sûr Gauguin et Bernard (les nombreuses toiles de ce dernier présentées ici surprennent autant qu'elles séduisent) composent des uvres insolites pour l'époque et qui restent admirables à nos yeux de contemporains.
Mais déjà en 1889, Gauguin ressent l'appel tahitien. Il veut « peindre en paix », trouver d'autres horizons. Son dernier séjour à Pont-Aven date de 1894. Il n'y reviendra plus jamais, laissant ses amis continuer l'aventure. Mais, même sous les Tropiques, Gauguin n'oubliera ni « le ton sourd, mat et puissant » qu'il trouvait en Bretagne, ni l'équipée de Pont-Aven, fondatrice de tout son art.
« L'aventure de Pont-Aven et Gauguin ». Musée du Luxembourg. 19, rue de Vaugirard, Paris-6e. Tlj de 10 h à 19 h (sam. et dim. jusqu'à 20 h ; lun. et ven. nocturnes jusqu'à 22 h 30). Informations : 01.42.34.25.95. Jusqu'au 22 juin. Catalogue de l'exposition, 336 pages, 40 euros, Ed. Skira.
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