Cinéma
« Dans les deux dernières années, tous les médias de la planète n'ont parlé que de mes voisins. Je suis iranienne, prise entre les deux tragédies qui ont eu lieu en Afghanistan et en Irak : comment aurais-je pu ne rester qu'une observatrice muette ?» Ainsi parle Samira, 23 ans, fille du cinéaste Mohsen Makhmalbaf, et déjà réalisatrice de deux films, « la Pomme » et « le Tableau noir » (prix spécial du jury à Cannes en 2000).
Elle est donc partie en Afghanistan « pour comprendre plus profondément, grâce au cinéma, la situation de ses habitants ». Ceux qu'elle a rencontrés, un an après la chute des talibans, sont devenus les personnages ou même les acteurs de son film. Quelques-uns parmi le million de sans-abri, des gens rentrés à Kaboul pleins d'espoir, principalement du Pakistan, et qui n'ont trouvé que ruine et misère.
L'histoire est celle d'une jeune fille qui va à l'école en cachette de son père, musulman fervent qui juge, en vertu de la tradition et de la religion, que la place de la femme est à la maison et qu'ailleurs nul ne doit voir son visage. Elle s'appelle Noqreh, et quand l'institutrice demande aux élèves ce qu'elles veulent devenir, elle est l'une des rares à oser rêver à un rôle politique. La vie est dure, il n'y a rien à manger, les mines font encore des victimes, on survit tant mal que bien dans une carcasse d'avion ou un palais en ruines. Mais à l'école, où se côtoient des filles de tous âges, on peut s'imaginer un avenir. Et quand on rencontre un poète, qui vous récite le poème de Garcia Lorca « A cinq heures de l'après-midi », le ciel s'éclaire.
Makhmalbaf évoque les pires souffrances, les populations détruites par le fanatisme et la guerre, avec légèreté, gaieté même. Un visage qui se dévoile, des femmes en tchadris bleus qui s'égayent dans la nature, des pieds qui se chaussent de jolies chaussures blanches, et tout semble possible. Les paysages arides et les ruines se parent de poésie. Et l'humour est loin d'être absent.
Le naturel des acteurs non professionnels n'est pas pour rien dans l'intérêt du film. Difficile de croire que Noqreh, qui a l'âge de la réalisatrice, est mère de trois enfants, son mari ayant disparu depuis les bombardements. Elle est le symbole d'un pays qui lutte pour revivre et qui le fera peut-être grâce aux femmes.
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