« Pour traiter les personnes âgées, les patchs sont particulièrement intéressants : ils possèdent moins d’effets secondaires et améliorent nettement l'observance », avance le Pr Serge Perrot, rhumatologue et médecin de la douleur à l'Hôtel-Dieu (Paris). C’est pourquoi toutes les nouveautés transdermiques sont attendues avec impatience en rhumatologie. Toutefois, le spécialiste s’inquiète également de l’arrivée d’un autre type de nouveauté : les génériques de patchs. « Si la molécule active est la même, la bio-équivalence des systèmes matriciels ne sera peut-être pas identique », prévient-il. Mais heureusement les patchs génériques ne sont pas les seules en lice, et quelques dispositifs intégrant de nouveaux principes actifs devraient bientôt venir enrichir l’arsenal thérapeutique.
La stratégie antalgique se pimente
Tout d’abord, les patchs à la capsaïcine, qui renouent avec le principe des bons vieux cataplasmes à la moutarde. La capsaïcine, extraite de piment rouge, existe déjà en gel faiblement dosé (0,05 %). Elle devrait bientôt arriver en France sous forme de patchs dosés à 8 %, le Qutenza®, qui a déjà obtenu une AMM européenne dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez les adultes non diabétiques, seul ou en association avec d'autres médicaments anti-douleurs. Son principe : il stimule les récepteurs nociceptifs puis, avec le contact prolongé, il permet d’obtenir une déplétion des terminaisons nerveuses sensitives en neuromédiateurs de la douleur.
Son maniement particulier le réservera à l'hospitalisation de jour : après application d'un anesthésique local, le patch reste en place pendant 30 à 60 mn et fournit 3 mois de soulagement de la douleur. Il existe certains effets indésirables transitoires (érythèmes, prurit, papules, douleurs au niveau du patch) et une possible augmentation de la PA de 8mmHg, qui demande une surveillance en cas d'antécédents cardio-
vasculaires. «?Avec une seule application tous les 3 mois, le Qutenza® a donné de bons résultats dans les neuropathies et on espère pouvoir l'utiliser en rhumatologie dans les lombalgies, les sciatiques ou les neuropathies post-chirurgicales?», annonce Serge Perrot.
Patchs aux AINS : le diclofenac en bonne place
Les topiques aux AINS sont très largement utilisés en rhumatologie bien que la plupart n'aient pas vraiment fait l'objet de sérieuses études contrôlées. Il est certain que la voie locale permet d'obtenir in situ une bien plus forte concentration en produit actif que la voie orale. On a ainsi montré que la concentration en ibuprofène à 3 cm de profondeur peut être multipliée par 22,5 par le gel vs la prise orale, et par 30 pour le kétoprofène au niveau du cartilage. En 2010, une revue de 47 études basée sur la méthodologie Cochrane conclut à l'efficacité de molécules comme l'ibuprofène ou le ketoprofène dans les douleurs aiguës musculo-squelettiques et à l'absence d'effets systémiques, mais déplore le manque de données cliniques pour les comparer à la voie orale.
Le diclofenac epolamine 1 % est le seul à être indiqué dans l'arthrose du genou, outre son rôle sur les douleurs tendino-ligamentaires, les entorses et contusions. Un bénéfice confirmé cette année par une étude montrant qu'il réduit significativement le score WOMAC (score axé sur la douleur, la raideur et la fonctionnalité articulaire) et améliore la fonction articulaire pour peu d'effets indésirables, ce qui a amené à le faire figurer dans les recommandations de l'OARSI 2008 pour la prise en charge de l'arthrose.
Un nouveau patch anesthésique à la lidocaïne
En rhumatologie, les anesthésiques locaux sont utilisés à la fois pour faciliter certains gestes invasifs et dans les douleurs neuropathiques.
Dans les patchs, après le classique Emla®, le Versatis® devrait bientôt être commercialisé sous forme de compresse adhésive imprégnée de lidocaïne à 5 %. On pourra utiliser jusqu'à 3 compresses pour couvrir toute la zone douloureuse, en respectant un intervalle de 12 heures avant l'application des suivantes. La lidocaïne patch s’est révélée très efficace sur la douleur neuropathique associée à la lombalgie, dans une étude la comparant au celecoxib. Et d’autres études sont en cours, notamment «?dans les douleurs lombaires aiguës ou chroniques, mais avec un point de vue rhumatologique, c’est-à-dire en ne s'intéressant pas seulement à l’amélioration de la douleur mais aussi du statut fonctionnel du patient?», dévoile Serge Perrot.
Patchs aux opioïdes : une iatrogénie handicapante
Parmi les systèmes trandermiques opioïdes, le patch au fentanyl possède des indications en rhumatologie dans l'arthrose, les lombalgies chroniques, les douleurs neuropathiques, la polyarthrite rhumatoïde et l'ostéoporose.
Dans la lombalgie, il a – selon un essai ouvert – une efficacité comparable à la morphine à libération prolongée per os avec moins de constipation. Aucun effet n'a été prouvé dans l'arthrose de hanche.
Dans l'arthrose du genou, il amène un gain sur la douleur statistiquement significatif, mais sa faible ampleur laisse planer des doutes sur la pertinence clinique, et au prix d'effets secondaires importants comme la constipation et d'un grand nombre d'arrêts du traitement.
Enfin, le patch à la buprénorphine, Transtec®, n'est pas encore commercialisé en France.
Les patchs du futur
À l’avenir, on attend de nouveaux systèmes d'application qui devraient amplifier l'efficacité des systèmes transdermiques : par exemple, des micro-aiguilles qui permettent d'envisager l'utilisation de macromolécules?; ou l’application par radiofréquence pour augmenter la diffusion du produit, la concentration du médicament sous forme de cristal qui le libère de façon contrôlée, le recours peu onéreux à la iontophorèse?; ou encore des patchs sans patchs où le produit actif est appliqué une seule fois par jour.
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