De notre envoyée spéciale
« L'un des thèmes de communication les plus originaux de cette conférence de l'ICAAC était en rapport avec le lavage des mains dans le personnel hospitalier. Cette pratique - fondement de l'hygiène hospitalière - a été progressivement délaissée dès la fin des années 1960, avec l'introduction massive des antibiotiques, mais de nouvelles épidémies, telles que le récent SRAS, et l'incidence croissante des infections nosocomiales ont remis à l'honneur l'hygiène hospitalière et extrahospitalière », analyse pour « le Quotidien » le Pr Willy Rozenbaum (Paris).
De 23 et 50 fois par jour
Le Dr Borer (Israël) a présenté une étude sur le personnel soignant d'un service de soins intensifs. Si l'on considère qu'il est nécessaire pour ces soignants de se laver les mains avant et après chaque soin donné à un patient, même lorsque ces soins sont pratiqués avec des gants à usage unique, le nombre de lavages quotidiens est compris entre 23 et 50. Ces chiffres sont légèrement inférieurs dans les services de médecine et de pédiatrie, et supérieurs dans les services de chirurgie en raison du grand nombre de patients pris en charge par un même soignant.
Le CDC d'Atlanta a analysé le nombre des lavages de mains dans quatre unités hospitalières distinctes : un CHU, un hôpital général, une service de long séjour et un hôpital pédiatrique. « Avant le contact avec le patients, de 15 à 30 % des soignants se lavent les mains. Ce chiffre était le plus faible au sein de l'hôpital général et le plus élevé en service de long séjour. Après le contact avec le malade, de 37 à 60 % des soignants se lavent les mains (de 37 % en pédiatrie à 60 % à l'hôpital général) », analyse le Dr A. Elward (Atlanta). En moyenne, le taux de lavage des mains était similaire chez les médecins et les infirmières (52 %). Dans tous ces établissements, deux techniques de lavage étaient possibles : soit un lavage traditionnel à l'eau et chlorhexidine ou Bétadine, soit l'utilisation directe d'une gel alcoolique qui ne nécessite pas de rinçage. Ces gels alcoolisés qui avaient été développés dans les années 1970 ont connu un récent regain d'intérêt dans le contexte de l'épidémie mondiale de SRAS. Leur efficacité bactéricide est maintenant prouvée sur la plupart des agents infectieux. Plus de 70 % des personnes qui se lavaient les mains dans cette étude préféraient le gel alcoolisé au lavage à l'eau.
Fixer les microbes
Néanmoins, il existe toujours des réticences à ce type de lavage, en particulier chez les personnes n'ayant pas bénéficié d'une formation sur l'intérêt des gels alcoolisés. « Pendant longtemps, en effet, les soignants ont appris que l'utilisation de l'alcool devait être évitée puisque ce produit avait la particularité de fixer les microbes », rappelle le Pr Rozenbaum.
Ce résultat est confirmé par une étude mise en place par des chercheurs brésiliens dans une unité de soins intensifs à Sao Paulo. Dans ce service, les soignants avaient le choix d'utiliser soit de la chlorhexidine rincée à l'eau, soit du gel alcoolisé sans rinçage. Sur une période d'observation de trois mois, 46,7 % en moyenne des soignants se lavaient les mains (28,8 % avant les soins et 64,8 % après les soins). En l'absence de formation spécifique, l'utilisation du gel alcoolisé est restée très anecdotique (23 % des lavages, contre 67 % avec la chlorhexidine). Mais, pour le Dr A. Marra (Sao Paulo), « la mise en place de sessions de formation sur l'intérêt de ces gels a permis de sensibiliser les soignants et, en moins de trois mois, le taux de lavage des mains est passé à 76 %, et, dans plus de 60 % des cas, le gel alcoolisé était préféré ».
Une équipe française de l'hôpital Henri-Mondor, dirigée par le Dr E. Girou, a présenté une étude sur l'utilisation des gants dans cinq services hospitaliers (3 unités de soins intensifs et 2 services de médecine). Sur les 784 contacts entre soignants et patients recensés, 455 nécessitaient la mise en place de gants en raison d'un risque septique potentiel. « Le port de gants a été observé dans 93,5 % de ces situations », analyse le Dr Girou. En revanche, les mesures d'hygiène avant ou après la mise en place des gants ont été respectées dans 51,4 et 64,4 % des cas, respectivement. Pour les auteurs, « on peut estimer que, dans 18,3 % des gestes, il existe un risque de transmission microbienne, généralement en raison de l'absence de changement de gants entre deux soins distincts ».
43e Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy, Chicago, Etats-Unis.
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